.

.
Photographie de Hugo Latour

vendredi 28 décembre 2012

Étude : l'appel de la route dans la littérature nord américaine



L’appel de la route dans la littérature nord-américaine dans le roman Sur la route de Jack Kerouac et La foi du braconnier de Marc Séguin



L’introduction
L’appel de la route, ou des grands espaces dans la littérature Nord-Américaine remonte au temps des textes coloniaux. À ce moment, ce style littéraire, prônant le voyage et l’expansion territoriale, fut rapidement entravé par les évêques et les intendants, principaux diffuseurs de la culture. Même que ce type d’œuvre était considéré comme de l’antilittérature par son manque de rapprochement avec la thématique du terroir : « Le voyageur apparait comme un déviant, un marginal d’autant plus à craindre qu’il jouisse de l’admiration populaire. »[1] Dans L’appel des grands espaces, Maurice Lemire spécifie que ce genre de littérature était proscrit étant donné qu’il encourageait les gens à quitter leur famille et leur terre ancestrale pour répondre à un vil besoin de voyage. Comme dans l’extrait du jésuite Firmin Vignon que Lemire présente dans son étude : « Le voyons-nous abandonner la maison paternelle, aller bien loin dans les chantiers […] puis revenir au sein de sa famille pour l’épouvanter par le scandale de ses blasphèmes et de son libertinage. »[2] Avec le temps, la vision sociale de « l’appel de la route » a évolué, mais « le voyageur ne prend sa place véritable dans la littérature qu’au XXe siècle. »[3] À ce moment, la thématique de l’appel de la route est clairement énoncée  et se veut un leitmotiv dans la quête des personnages.
Jack Kerouac (Jean Louis de Kerouac) ( 1922-1969)

Donc, je vais concentrer mon analyse sur deux auteurs d’origine canadienne-française, Jack Kerouac et Marc Séguin, et sur leurs œuvres Sur la route et La Foi du Braconnier. Sur la route est publié dans les années 1950 et est roman d’autofiction en quatre parties dans lesquelles un voyageur du nom de Jack Kerouac traverse le continent d’est en ouest pour rejoindre ses amis. Celui-ci est l’un des premiers romans du XXe siècle à afficher l’appel de la route de façon claire et précise dans le schéma narratif; les autres romans, le roman L’attrape-cœur par exemple, le fait d’une façon détournée en ne démontrant pas une attention particulière à l’appel de la route. La foi du Braconnier, premier roman de l’auteur québécois Marc Séguin, est un roman appartenant au XXIe siècle où il y alternance en une narratologie homodiégétique et une narratologie hétérodiégétique. Plus récent, il trace un portrait moderne de ce qu’est l’appel de la route dans la littérature nord-américaine. Le personnage principal, Marc S. Morris, est tour à tour chasseur, chef cuisinier et homme d’Église pendant qu’il parcourt l’Amérique du Nord en traçant un énorme « Fuck-You » en points cardinaux.
Marc Séguin (1970- )
Dans cette analyse, j’établirai d’abord la thématique principale qui les pousse à répondre à l’appel de route. Ensuite, j’analyserai ce qui constitue les deux voyageurs dans chacun des romans. De ce portrait, je pourrai ressortir les principales ressemblances et différences entre eux deux malgré leur parité sociogéographique. En terminant, j’établirai la présence de l’américanité dans cet appel de la route.

La raison du voyage
Dans les romans Sur la route et  La foi du braconnier,  le voyage est porteur d’une thématique maitresse. Cette thématique se trouve à être un manque chez les personnages. Manque qu’ils tentent de combler par l’appel de la route. Comme le dit le philosophe Robert Canovaro au sujet de la quête de Jack Kerouac : « La quête initiale s’inscrit bien dans la tradition romantique de l’appel d’une vie neuve. »[4]
 Chez Jack Kerouac, le manque qu’il tente de combler sur la route est sa famille. Le lecteur apprend, par une litote, au début du roman que Jack  Kerouac sort d’une dépression causée par la mort de son père. Il ne s’en sors qu’avec l’arrivée de Neal Cassady; un bohème arrivé à New York pour que Jack Kerouac lui apprenne à écrire des romans : « J’ai rencontré Neal pas très longtemps après la mort de mon père… Je venais de me remettre d’une grave maladie que je ne raconterai pas en détail, sauf à dire qu’elle était liée à la mort de mon père, justement, et à ce sentiment affreux que tout était mort. » [5]
Comme cette phrase est la première du roman cela indique au lecteur que l’appel de la route ne se trouve pas très loin du vide laissé par la mort du père. Appel de la route que figure Neal Cassady. Une allégorie qui est aussi reprise un peu plus loin dans l’incipit du roman: « avec l’arrivée de Neal a commencé cette parti de ma vie qu’on pourrait appeler ma vie sur la route. » (SR : p.127.) Neal en emportant l’idée du voyage à JacK Kerouac fait figure de destinateur d’une solution aux questions que se pose Jack Kerouac. Tellement qu’il représente pour Kerouac l’allégorie même du voyage. Il l’indique en présentant la route avec Neal comme une nouvelle vie, un nouveau départ. Une vie  exutoire de la dépression causée par la mort du père et qui lui permets de découvrir ce qu’il veut soutirer d’une vie de famille. L’essayiste Gilles Bibeau trace cet aspect de la recherche de comblement familial dans l’œuvre Sur la route :
Peu de romanciers américains ont élaboré, mieux que Jack Kerouac, la mise en scène imaginaire de leur origine et de leur histoire familiale et ethnique, et de leur américanité. Jack Kerouac se présente comme faisant partie d’un colossal voyage de migration vers le sud […]avec son père qui représente, au sein de cette lignée, la sédentarité provisoire de l’immigrant arrivé à une étape du voyage que son fils Jack se dois de continuer. [6]
En répondant à l’appel de la route, Jack Kerouac recherche à passer au travers du deuil de son père, mais aussi à accepter la responsabilité psychologique de le remplacer.
Le but du premier du voyage, rejoindre Allen Ginsberg et Neal Cassady, apparaît alors comme une raison secondaire à un but plus grand pour le protagoniste : trouver ce que c’est former une famille. Sur la route, il rencontre une jeune Mexicaine du nom de Bea et son fils Richard qui lui apportent, au départ, quelques réponses à cette recherche d’une idéologie familiale. Tous trois se retrouvent dans une tente à côté d’un champ de coton où Kerouac travaille à longueur de journée pour subvenir aux besoins de la famille:
Chaque jour je gagnais à peu près un dollar et demi. Ça suffisait tout juste pour aller acheter des provisions du soir, à vélo. Les jours passaient. J’avais complètement oublié l’Est, et Neal et Allen, et la putain de route. Raymond et moi, on jouait tout le temps. Il adorait que je le fasse sauter en l’air et rebondir sur le lit. Bea reprisait nos affaires. J’étais l’homme de la terre.  (SR : p.239-240.)
Jack Kerouac se complait dans cette vie de famille et en vient à ne plus vouloir reprendre la route. Par contre, rapidement, la difficulté à subvenir aux besoins de cette nouvelle famille lui devient de plus en plus difficile à combler à l’approche de l’hiver et le désillusionne face à son rôle paternel. Jack Kerouac finit par avouer à Béa qu’il ne peut plus subvenir aux besoins de sa famille:
 La mort dans l’âme, on a décidé de partir. ” Retourne dans ta famille”, j’ai dit en grinçant des dents. “Pour l’amour du ciel, tu peux pas continuer à traîner dans les tentes avec un gosse aussi petit que Raymond, il a froid, le pauvre petitot.” Bea s’est mise à pleurer, croyant que je mettais en doute son instinct maternel. Ce n’était pas mon intention.  (SR : p.241.)
Jack Kerouac admet difficilement qu’il ne peut représenter le rôle paternel dans sa nouvelle famille. C’est une première grande défaite pour le personnage envers sa quête familiale. Il y a d’ailleurs une incise dans le texte qui nous spécifie que le personnage le fait en grinçant des dents et la mort dans l’âme. La métaphore, la mort dans l’âme, représente toute la déception qu’a Jack Kerouac de son échec.
Le deuxième échec psychologique se fait  peu de temps après l’arrivée dans la famille de Béa, au moment où il réalise qu’il ne peut être une famille avec Béa. Il lui dit alors qu’il doit partir, car son rôle est inutile et qu’ils doivent se résoudre à se quitter :
J’ai dit à Béa que je partais. Elle y avait pensé toute la nuit, elle était résignée. Elle m’a embrassé sans émotion dans les vignes, et elle s’est éloignée le long de la rangée. À douze pas, on s’est retournés, car l’amour est un duel, et on s’est regardés pour la dernière fois. “Je te retrouve à New York, Bea” j’ai dit. Elle était censée y venir en voiture avec son frère, dans un mois. On savait bien l’un comme l’autre que ça ne se ferait pas. (…) Misère de moi, voilà que j’étais de nouveau sur la route.  (SR : p.245.)
C’est à contrecœur qu’il répond encore une fois à l’appel de la route pour tenter d’aller combler ses besoins familiaux. Et il ne réussit pas complètement, car à la fin du roman, même s’il est marié avec une femme du nom de Joan depuis peu, il regarde Neal Cassady partir pour un ultime voyage, un appel de la route auquel cette fois il ne répond pas à cause de sa femme. En regardant partir Neal Cassady il se dit ceci: « Moi je pense à Neal Cassady, je pense au même vieux Neal Cassady, le père que nous avons jamais trouvé, je pense à Neal Cassady, je pense à Neal Cassady. »
Cette suite d’anaphores, du nom de Neal Cassady, agit comme une longue plainte du personnage sur son sort et sa quête jamais achevée. Alors, même marié et ne voulant pas répondre à l’appel de la route Jack Kerouac ne trouve pas ce qu’il cherche sur la route. Cette plainte laisse supposer que la relation avec Joan n’est pas la réponse à sa quête familiale, car la relation n’est que nommée à ce moment dans le roman et n’agit que comme prétexte pour qu’il n’y est pas une nouvelle réponse à l’appel de la route.
Dans le roman La foi du braconnier de Marc Séguin, le but que suit le protagoniste Marc S, Morris en répondant à l’appel de la route est la relation homme/femme. Il commence son voyage quelques minutes après avoir rompu avec une femme avec qui il sortait au cégep.  Il décrit cette femme comme une femme de 18 ans qui veut fonder une famille et avoir des enfants. C‘est au moment  où elle lui dit qu’elle ne le ferait pas avec lui dû à sa grande immaturité qu’il décide de rompre. Il décrit sa façon de rompre comme un réflexe et le démontre avec une énumération de ses gestes:
 Comme je ne savais pas quoi dire ni quoi répondre à ces affirmations, justes, je le sais maintenant, mes mains, ne sachant que faire elles non plus, ont sorti l’atlas et un stylo bleu de mon sac. Pendant qu’elle me regardait en silence, accusatrice, la bouche pincée, j’ai tranquillement tracé un gigantesque  FUCK YOU qui partait de la Saskatchewan et dont le dernier U se terminait quelque part dans le Saint-Laurent prés de Montmagny. [7]  
En réagissant de cette façon, Marc S. Morris se donne le motif de l’appel de la route et sa trace à suivre. Il agit comme son propre guide dans ses questions personnelles, s’indiquant le chemin à prendre avec cynisme et sans réfléchir. Cet appel de la route lui est salutaire, car sur la route il rencontre plusieurs femmes qui lui donnent la chance de retenter une relation amoureuse. La première s’appelle Nelly et il la rencontre dans un petit motel à Brandon sans l’avoir cherchée. Monoparentale francophone, elle recherche la même chose que Morris dans les relations humaines. Par contre, dès le début, Morris sait que cela ne fonctionnerait pas: « On avait fait l’amour le premier soir et elle avait gardé les yeux ouverts. Perdu d’avance. C’est seulement maintenant que je le sais. L’ordre des choses est mal foutu, même si ça finit toujours par avoir un sens. » (FB : p.25.)
C’est la trop grande proximité entre Nelly et Marc S. Morris qui trouble Morris. Il ne peut s’attacher à une femme qui recherche les mêmes choses que lui, car il veut être unique dans son désir d’une relation. Unique pour combler ses besoins de façon solitaire et ne pas dépendre de quelqu’un; il ne se sent donc pas prêt à former un couple à ce moment-là.   Invariablement, si l’appel de la route est plus fort que le désir de rester en relation, il repart pour tenter de combler son besoin ailleurs. Il quitte donc Nelly, quelque temps après l’avoir rencontrée, sans lui dire qu’il repart : « Nous avions passé une nuit, une journée et une partie d’une autre nuit ensemble. Après une trentaine d’heures, je crois être passé à un cheveu de la marier. Elle ne le saura jamais, parce que j’ai cavalièrement décampé quand j’ai senti qu’elle voyait un peu plus loin. » (FB : p.26.)
Ce n’est qu’à la rencontre d’une troisième femme, Emma, qu’il trouve véritablement ce qu’il cherche dans son voyage. À l’instant qu’il la rencontre dans un restaurant, il sait qu’il termine sa quête, car il extrapole sur son futur avec elle :
J’ai répété ma question en anglais en lui disant que ça pourrait être facile de la demander en mariage. À son tour de faire une pause en silence. Puis elle a répondu que dans sa vie, elle avait dit beaucoup plus de fois non que oui. Je lui ai aussi demandé si elle avait lu Flaubert. T’inquiète, si je t’aime un jour comme je m’en devine capable, je te ferai lire tous les grands classiques. (FB : p.77)
Après cette rencontre, l’objet de sa quête change. Il ne répond plus à l’appel de la route pour trouver une réponse à ses relations, mais bien pour la retrouver, elle : « Je n’ai pas retrouvé Emma. Quatre mille deux cent quarante-sept kilomètres depuis North Canal. […] Pas de réponse au numéro de téléphone qu’elle avait écrit sur le napperon gris, taché de beurre, entre le w et le o de welcome, avec un crayon à maquillage pour les yeux. » (FB : p.80) Ce passage démontre un changement chez le personnage : en plus du changement du sujet de sa quête, ce n’est plus lui qui quitte, mais lui qui est quitté. Le désir de la retrouver est si fort qu’il rebrousse chemin pour tenter de la revoir. Au moment de la voir, il tente d’aboutir sa quête en la demandant en mariage. Il tente ainsi de conclure sa recherche sur la route en formant une relation sérieuse : « “Will you marry me;  ?” Elle s’est tournée vers moi. Elle a regardé son amie. Au moins six fois, en silence. Puis elle a dit : “What’s your name again?” Mais elle se souvenait très bien de mon nom, car elle avait laissé une douzaine de messages […] sur mon répondeur. » (FB : p.82.)
Chien et oiseau. Fusain et huile sur toile, Marc Séguin. 2002

Cette demande aboutie, comme l’espère le personnage, à la conclusion de l’appel de la route, car Emma est aussi très éprise de lui, visible par les hyperboles employées par l’auteur pour décrire les agissements de Emma; elle regarde six fois son amie et a laissé une douzaine de message. Marc S. Morris ne sait pas pourquoi c’est elle qui change sa quête, mais décide de faire confiance à son instinct.  

La principale différence entre le roman Sur la route et La foi du braconnier est la raison de répondre à l’appel de la route. Dans le roman Sur la route, le personnage principal le fait pour trouver ce qu’il recherche d’une famille alors que Marc S. Morris dans La foi du Braconnier recherche une relation stable avec les femmes. Là où réside la ressemblance par contre, c’est que Jack Kerouac tente de passer lui aussi par des relations amoureuses pour trouver ses réponses, mais sans succès. Le fait d’être marié, comme dit plus haut, ne résout pas sa quête initiale, et ce, même s’il ne répond pas à l’appel de la route dans cet état d’homme marié. Alors que Marc S. Morris, lui, recherche une relation stable en répondant à l’appel de la route. Alors pour lui le fait d’être marié est la réponse aux besoins de sa quête initiale, donc il n’a plus besoin de répondre à l’appel de la route. Information que soulignent les dernières ligne du roman, alors que le personnage regagne sa chambre en réfléchissant à son avenir: « J’ai voulu dormir, comme d’habitude. J’irai finir le U  de mon FUCK YOU un autre matin. Je l’ai embrassé dans le cou. » (FB : p.147.) L’appel de la route est donc bénéfique pour la cause de départ de Marc S. Morris, mais ne l’est pas pour celle de Jack Kerouac. Par contre, l’appel de la route apporte pour les personnages des deux romans un changement psychologique important. Tellement pour le personnage de Marc S. Morris qu’il redirige la quête de son voyage pour répondre à un nouveau but; retrouver Emma. Jack Kerouac lui, tout en évoluant, ne change par contre jamais son but initial qui est de trouver une image de père de famille et c’est peut-être pour ça qu’il y a une impression de quête inachevée dans le roman Sur la route.

Le voyageur
Pour analyser les personnages des romans Sur la route  et La foi du braconnier, je m’appuierai de l’analyse sémiologique des personnages construite par l’analyste littéraire Philippe Hamon. La théorie sémiotique de Philippe Hamon[8] se concentre sur la constitution du personnage en trois points: L’être, Le faire et L’importance hiérarchique. Chacun des points possède une sous-précision qui la définit de deux à sept points. Pour mon analyse, comme ces œuvres sont deux récits autofictionnels, je n’aurai à me servir que de quelques sous-points dans L’être et du point des rôles thématiques dans Le faire. Je les utiliserai dans le but d’établir de quelle façon les personnages répondent à l’appel de la route et donc quel type de voyageur ils sont.  
Dans la théorie de Philippe Hamon, l’être est constitué des sous points : Nom, dénominations et portrait. Le portrait est établi par quatre attraits du personnage : Le corps, l’habit, la psychologie et la biographie. Pour mon étude, je vais me concentrer sur le point du Nom et Le portait par deux sous points, l’habit et la psychologie.
Jack Kerouac dans le roman Sur la route porte le même nom que l’auteur du roman. Cela transpose déjà, en plus du discours narratif homodiégétique, que le roman Sur la route en est un d’autofiction. L’ensemble des catégorisations de Hamon révèle que le personnage de Kerouac est marginal. Comme le spécifie Maurice Lemire cette association est mauvaise pour le voyageur : « le voyageur apparaît donc comme un déviant, un marginal d’autant plus à craindre qu’il jouit de l’admiration populaire. »[9] Jack Kerouac, dans sa marginalité, use d’actions et de réflexions qui lui sont néfastes pour trouver des adjuvants qui l’aideraient à répondre à son appel de la route. Comme dans ce passage, où Kerouac, prit à Preston, voit défiler de nombreuses voitures depuis le début de la journée sans que personne ne le prenne:
Comme à Davenport, dans l’Iowa, il ne passait que des bétaillères; ou pire encore, une fois de temps en temps, une voiture de tourisme, avec un vieux au volant, et sa femme qui lui montrait le paysage ou qui lui lisait la carte; bien carrés dans leur siège, ils étaient dans toute l’Amérique comme dans leur salon, à tout regarder de leur œil soupçonneux. (SR : p.147.) 
Sa marginalité l’empêche d’être aidé par des gens de la société qui se veut traditionnelle; ceux qui sont sur la route comme dans leur salon. Cette citation par la métaphore « il était dans toute l’Amérique comme dans leur salon » révèle une différence d’opinions entre Kerouac et d’autres membres de la société; les deux ne répondant pas pour les mêmes raisons à l’appel de la route.  Il ne trouve de l’aide qu’en les chauffeurs de voiture qui se veulent eux-mêmes marginaux pour la société. Comme dans ce passage où il rencontre deux frères qui parcourent les Etats-Unis le plus rapidement possible, dans le but de se faire de l’argent en transportant des machines agricoles :
 L’étape la plus mémorable de ma vie d’auto-stoppeur m’attendait : un camion-benne, avec déjà cinq gars vautrés  à l’arrière, et les chauffeurs, deux jeunes fermiers blonds du  Minnesota, qui ramassaient tous les gens qu’ils trouvaient sur leur route. […] C’étaient deux frères; ils partaient chercher des machines agricoles à Los Angeles pour les livrer dans le Minnesota, et ça payait bien. Alors à l’aller, vu qu’ils étaient à vide, ils ramassaient tous les gars qu’ils trouvaient au bord de la route. Ils en étaient à leur cinquième circuit; ils s’amusaient comme des fous.  (SR p.150-152)
Ensuite, quand on porte attention au sous-point de L’habit dans Le portrait, de la théorie de Philippe Hémon,  il est possible d’en apprendre davantage sur quel type de voyageur est Jack Kerouac. Je fais une expansion de la théorie constitutive de l’habit à tout ce qui concerne les ressources physiques et matérielles d’un personnage.
Le personnage du récit Sur La route est très mal outillé en ce qui a trait à l’habit. C’est ce que nous indique ce passage, où Kerouac se retrouve perdu sous la pluie sur une route déserte qu’il croit très passante au moment de son départ :  
Je me maudissais, je pleurais d’envie d’être à Chicago. ” Dire qu’en ce moment même, ils s’amusent tous, ils font des trucs, et moi j’y suis pas, quand est-ce que j’y serai”, etc.  Enfin, une voiture s’est arrêtée à la station-service déserte, un homme et deux femmes, ils voulaient consulter leur carte. Je me suis approché, en gesticulant sous la pluie; ils se sont concertés : j’avais l’air d’un dingue, faut dire, avec mes cheveux mouillés, mes chaussures détrempées… […] des passoires végétales pas faites pour les soirs de pluie, en Amérique, pas faites pour la route en général, avec ses nuits brutales. Mais, ils m’ont pris quand même, ils m’ont raccompagné jusqu‘à Newburgh.  (SR : p.136) 
On ne sait qu’une chose de l’accoutrement de Jack Kerouac : sa paire de chaussures des huaraches mexicaines. Plus tard, on apprend qu’il a aussi quelques chemises, mais la mention n’est faite qu’au moment où il les perd. La sémiologie de l’habit dans le roman Sur la route ne fait que montrer le voyageur comme très mal équipé pour répondre  à l’appel de la route. Le fait qu’il ne réalise qu’après avoir répondu à l’appel de la route que sa paire de sandales mexicaines n’est pas faite pour le voyage illustre bien son incompréhension des besoins qu’implique l’appel de la route. Tout ce que connaît le personnage principal, c’est sa destination, Chicago, mais ne peut que désespérer de son manque flagrant de compétences requises pour s’y rendre. Jack Kerouac est de plus un voyageur qui dépend toujours des autres pour répondre à sa quête de la route, ce qui souvent l’amène à réaliser qu’il n’est qu’un piètre voyageur :
En plus, m’a dit le type, il passe personne, sur la Six… si vous voulez allez à Chicago, il vaut mieux prendre le tunnel Holland, à New-York, et passer par Pittsburgh. J’ai bien compris qu’il avait raison. C’était mon rêve qui déconnait au départ, cette connerie du gars au coin du feu, qui se raconte comme ce serait chouette de suivre une des grandes routes marquées en rouge pour traverser l’Amérique au lieu d’emprunter divers chemins et itinéraires.  (SR: p.137.)
Haïku de Jack Kerouac illustré par Laurence Monaco
Le fait qu’il soit un piètre voyageur réside surtout dans le fait qu’il n’est pas convenablement préparé. Cela l’empêche d’avancer comme il le souhaiterait et le fait désespérer. À l’inverse, quand il se retrouve sur la route, il retrouve une certaine joie de vivre et de l’espoir. Comme dans ce passage où il est heureux de se retrouver sur la route, même s’il vient de quitter Béa, et donc de vivre un échec dans sa quête : « Tout d’un coup,  j’ai réalisé qu’on était en automne et que je rentrais à New-York. Je me suis senti inondé d’une grande joie. » (SR : 246). Alors, il devrait être triste, il se sent empli d’une grande joie. La route agit ainsi comme exutoire de son malheur. C’est aussi, selon la sémiotique de Philippe Jouve, la thématique que porte le personnage de Jack Kerouac, thématique qui est la suivante: la route est exutoire au malheur. Si le voyageur qu’incarne Jack Kerouac, même s’il est fragile psychologiquement et mal outillé, répond à l’appel de route, tout finira bien. Ce qui n’est pas nécessairement le cas pour le personnage dans La foi du braconnier. 
 Marc S. Morris ne porte, lui, que le prénom de l’auteur et est lui aussi pourvu d’une narration homodiégétique. Narration homodiégétique qui donne à ce livre une catégorisation d’autofiction comme celui de Jack Kerouac. Cependant, le prénom ne donne pas plus d’informations sur le personnage et n’a pas de répercussion diégétique. Par contre, l’habit est une catégorie très importante dans la sémiotique du personnage Marc S. Morris. Le personnage est pourvu de sa propre voiture, ce qui lui donne un avantage pour répondre à son appel de la route, et un itinéraire précis; un Fuck-you sur une carte du nord de l’Amérique : « Six vitesses, 420 chevaux-vapeur et 300 kilomètres-heure plus tard, j’ai vingt-six ans et j’ai trouvé un autre pick-up Dakota 1987 dans une cour à scrap du boulevard des Laurentides, à Laval. » (FB : p.67.)
Cette distinction matérielle le rend indépendant dans sa quête et le définit comme un voyageur très bien outillé et sachant, au-delà de sa destination, un itinéraire précis. Sa préparation pour répondre à l’appel de la route fait de Marc S. Morris un voyageur préparé à plusieurs éventualités. Pourtant, il rencontre des problèmes qui altèrent sa quête. Ces problèmes sont d’ordre psychologique et le remettent en question sur son identité personnelle. Comme dans se passage où Marc S. Morris, par un monologue intérieur constitué de phrase déclarative et de comparaisons, trace son portait de lui-même face à l’Amérique : « Je suis une conséquence de l’Amérique moderne. L’Amérique que la poudre à fusil a conquise et rendue conquérante. Et même si je suis un produit intellectuel de la classe moyenne, une moitié blanche, l’autre amérindienne. Dans mes veines coule encore une motivation de prédateur. » (FB : p. 15-16.)  
L’évolution de Morris n’étant pas soumise à des problèmes matériels, elle lui permet d’élever plus loin sa recherche sur un plan psychologique. Il peut ainsi prendre le temps de se positionner face à sa vision de l’Amérique et de ses origines généalogiques. Comme il le fait dans ce passage en se comparant à un prédateur ancestral.
Les différences sémiologiques des personnages
Plusieurs différences résident dans la sémiologie des deux protagonistes. Premièrement le nom, Jack Kerouac appose son nom complet comparativement à  Marc Séguin qui ne donne que son prénom à son personage. La distance narrative n’est donc pas la même dans la La foi du braconnier. La distance narrative entre les informations sur ce que le personnage ressent et le fil narratif étant plus grande, Marc Séguin doit user d’un passage entre une narration homodiégétique et hétérodiégétique pour décrire les agissements de son personnage. Souvent ce changement se fait à la fin des chapitres pour que le lecteur comprenne bien les déplacements du personnage principal sur la route :
-Un pick-up Dakota bleu deux tons a traversé quatre fois la frontière, sans destination apparente. La trajectoire du véhicule, du parc du Mont-Riding jusqu’à Wnnipeg, quatre jours plus tard, forme un ensemble de lignes visuellement reconnaissables et compréhensibles dans un alphabet occidental. La première lettre est un F et la seconde un U. 1790 kilomètres. (FB : p.31.)
L’autre différence entre le personnage de Marc Séguin et celui de Jack Kerouac est l’habit. C’est la plus grande différence, car comme le personnage de Jack Kerouac est dépendant des autres pour véhiculer, alors que celui de Marc Séguin possède son propre véhicule. L’avancée dans leur quête respective ne se fait donc pas à la même vitesse. Jack Kerouac est dépendant des autres, même s’il prend la décision de répondre à l’appel de la route. L’appel de la route est donc pour lui porteur de nombreux autres problèmes qui ne sont pas présents pour Marc S. Morris. C’est aussi cette cause de problèmes supplémentaires qui fait une différence majeure sur le plan psychologique des deux personnages. Quand Jack Kerouac se retrouve à avancer sur la route, et a ainsi la possibilité de répondre véritablement à l’appel de la route, il se délaisse d’une grande partie des problèmes qui entourent cet appel. Marc S. Morris, lui, quand il répond à l’appel de la route il ne se retrouve pas ralenti par des causes matérielles, mais bien par les différentes pistes qu’il essaie. Par exemple quelques relations avec des femmes ou le déni de sa recherche en devenant curé. Les opinions des deux protagonistes face aux problèmes et aux concepts qu’ils rencontrent sont aussi différentes, même s’ils ont la même origine sociogéographique.

L’américanité dans l’œuvre
Établir une œuvre comme faisant partie d’un corpus américain en la dissociant des origines de son auteur n’est pas une mince tâche dans la littérature postmoderne et sa conceptualisation déconstruite de la littérature. Dans sa volonté de ne pas présenter des repères, la littérature actuelle se défend d’appartenir à une idéologie sociogéographique particulière. Malgré cela, par l’utilisation d’une certaine forme d’écriture, de thématique et de distanciation narrative, je crois qu’il est possible de voir transparaitre une appartenance à un certain corpus. Pour moi, la conception de l’appel de la route dans les œuvres Sur la route et La foi du braconnier est en soi nord-américaine comme idéologie littéraire.
James Dean acteur américain (1931-1955)
Pour dresser un portrait du corpus nord-américain de la littérature, Jean Morency spécifie qu’il faut « assoc[ier] l’américanité à une notion anthropologique et sociologique créée dans le sillage de celles d’africanité et d’antillanité. »[10]  Il base sa conception sur une comparaison entre trois conquêtes anglaises pour pouvoir ainsi conceptualiser les différences entre le Québec en terre américaine et les deux autres en Europe. Ainsi, les « quelques traits qui résument les caractéristiques du monde américain [sont] la jeunesse, l’absorption des peuples autochtones, le melting pot, l’oubli de l’Europe, l’importance de l’avenir et le puritanisme. »[11]   Il est possible de transposer cette théorie de Morancy dans celle de Chantal Bouchard[12] qui englobe une image plus spécifique d’une société. Selon Chantal Bouchard, une société est axée sur trois grands aspects : la religion, l’ethnie et la langue. Donc, si on place les points déjà soulevés par Morency dans la conception de Bouchard, l’américanisation se définit par ses ethnies multiples françaises, anglaises, autochtones et ses religions multiples, le catholicisme, l’Église protestante, le puritanisme et la multitude de langues qu’il décrit comme un melting pot. 
Ces thématiques qui définissent un corpus idéologique américain sont très présentes dans les romans La foi du braconnier et Sur la route, ce qui laisse supposer qu’ils retranscrivent une écriture américaine dans leur conception, au-delà des origines canadiennes-françaises des deux auteurs.  
Dans les concepts énoncés, il y en a deux qui sont très présents dans le roman Sur la route : le catholicisme et la jeunesse. Le premier, plus voyant, est le catholicisme. Au moment de partir sur la route, Jack Kerouac fait référence à Iamël, un personnage de l’Ancien Testament : « Et voilà comment, un beau matin, j’ai posé mon demi-manuscrit sur mon bureau, replié mes draps douillets pour la dernière fois, mis quelques effets indispensables dans mon sac en toile […] voilà comment je suis parti pour le Pacifique comme un vrai Ismaël, avec mes cinquante dollars en poche. » (SR : p.135.)
La figure de comparaison effectuée avec le personnage de la genèse Ismaël constitue un lien intertextuel catholique à un moment important du livre, le premier départ de Kerouac. Ce qui rend cette comparaison significative dans la diégèse du roman.  Ismaêl, comme Kerouac, doit quitter son village avec sa mère pour fonder une généalogie, sous les recommandations d’Éloïde (Dieu). Et comme Kerouac ils emportent peu de vivres, il n’est donc pas très bien préparé au voyage dans le désert de Bersabée : « -Que ne déplaise pas à tes yeux en ce qui concerne le garçon et ta servante […] Quant au fils de la servante, je ferai de lui aussi une nation, puisqu’il est lui aussi de ta race.” Abraham se leva de bon matin, prit du pain et une outre d’eau qu’il donna à Hagar, puis il lui mit l’enfant sur l’épaule et la congédia. »[13]
 En usant de cet intertexte, Jack Kerouac utilise une figure de comparaison avec une image catholique d’un «voyageur»  pour figurer son appel à la route, ramenant le texte biblique à sa cause très américaine qui est de traverser les États-Unis d’est en ouest. En plus, les figures bibliques étant très présentes dans les années 1940 aux États-Unis, cette figure rapporte un aspect culturel américain de l’époque. Il est donc normal que Kerouac compare le but et les outils de son voyage à ceux d’une figure biblique. 
Le lien entre l’américanité et l’aspect de la jeunesse n’est pas vraiment expliqué dans l’étude de Morency. Je crois qu’il spécifie ce point en se référant au clivage important qui existe entre deux générations américaines. Clivage marqué par une différence de culture, d’intérêt et de conception de la réalité. Dans ce passage où Jack Kerouac rencontre le professeur, et maître à penser, d’un de ses amis il est possible de voir le clivage entre deux générations d’intellectuels: « Là-dessus, je me suis levé pour serrer la main de Mr. Bierly. Il se demandait ce qu’Hal me trouvait, à l’époque, et se le demandait encore, cet été-là, à Denver; il ne me voyait pas percer un jour. C’était très exactement ce que je voulais qu’il pense, comme le reste du monde […]. » (SR : p.184-185.) 
Le professeur qui appartient à une génération plus ancienne ne comprend pas les façons d’agir de Kerouac et ne veut pas reconnaître qu’il a en lui un potentiel intellectuel. Jack Kerouac refuse d’agir de façon à représenter la figure universitaire qu’il est. Il préfère se saouler et passer sa vie sur les routes pour ne pas servir de modèle et paraitre comme une figure institutionnelle, à l’instar des gens de sa classe d’homme littéraire et de son niveau intellectuel. Jack  Kerouac se refuse à la sédentarité de l’université et préfère l’appel de la route dans son parcours intellectuel. L’Amérique est une suite de générations qui ne se ressemblent pas.  
Dans La foi du braconnier le refus de la société se porte plutôt dans le discours du personnage principal. Il se mélange avec le point de l’ethnicité, qui est dans ce cas-ci le rapport avec le peuple autochtone. L’opinion de Marc S. Morris est visible dans ce passage où il décrit sa généalogie avec un ensemble de métaphore et d’énumération :  
Ma mère mohawk a légalement fait de moi un Indien d’Amérique. Un fantôme du passé. Titre que je n’utilise qu’en de très rares occasions parce que, comme ma mère a quitté la réserve pour épouser un Blanc, légalement mon sang indien s’assèchera avec moi. Pas de privilège pour ma descendance, à moins de retourner vivre dans la réserve. Jamais. La réalité identitaire la plus juste serait celle du sang d’une société déclinante qui implose doucement sans que personne n’en fasse cas. On a caché la décadence dans les sous-sols des banlieues. Derrière deux télés, des divans, des entrées de garage […] Tekatkennyer (défaite).  (FB : p.33.)
Le personnage Marc S. Morris fait dans cet extrait une critique des agissements de la société américaine face à l’histoire amérindienne. Le rapport à l’américanité est très clair par la présence d’une énumération d’éléments de culture américains et le point de vue exprimé par le personnage face à ceux-ci. La réalité décrite en est une de l’Amérique moderne dans son désir de matérialisme sans considération pour le passé des peuples ancestraux; peuples qui métaphoriquement implosent. Le personnage se confine dans ce refus de la société et sa perte de repères identitaires tout au long de son appel de la route. Marc S. Morris, tourné vers la tâche que lui donnent ses origines métisses, ne considère jamais sa place comme acquise dans la société de l’Amérique moderne. Souvent, il utilise des mots de sa langue maternelle pour exprimer ses émotions et ses points de vue personnels, car il s’identifie plus à ses origines amérindiennes que celles américaines. C’est d’ailleurs dans cette langue qu’il exprime le plus souvent son opinion négative face à la société américaine, comme lors de manifestations
 Je garde précieusement une photo du Times de moi où je tiens une pancarte sur laquelle il est écrit en rouge : Aiontakia ‘tohtahro (aliéner quelqu’un). L’Amérique s’est autoconquise par les armes et, depuis cette victoire incestueuse, elle ne cesse de s’exporter. […] Je suis encore plus américain qu’un Américain. J’ai grandi les armes aux mains, dans la bouche, dans les yeux et je suis né en état de douleur.  (FB : p. 34.) 
Ici encore, l’utilisation d’une autre langue est effectuée pour exprimer les idéaux du personnage face à la société. Tout en indiquant que le personnage est américain, l’auteur insère des mots d’une autre langue pour exprimer cette idée. Il exprime ainsi la pluralité linguistique et idéologique qui constitue l’Amérique. Cette démonstration de la pluralité linguistique est d’autant plus significative qu’elle est effectuée avec une langue amérindienne qui ne se trouve qu’en Amérique du Nord.
Le troisième aspect qui décrit l’américanité de la littérature, selon  Morency, est la religion. Cet aspect est amené de façon très moderne dans le roman La foi du braconnier. La religion n’est plus le catholicisme, mais le désir de laïcité dans la société qui atteint même les prêtres. Ce désir de laïcité chez les hommes d’Église est visible dans un passage où un cardinal allemand explique sa vision de la religion catholique à son ami curé et à Marc S. Morin, qui vient de quitter ses vœux d’homme d’Église pour retourner répondre à l’appel de la route: 
Maatzinger : “C’est en se basant sur leur propre compréhension de l’humanité que les hommes se sont créé une image de Dieu. Comme dans une entreprise, modèle admirable de croyance et de dévotion, la structure fonctionnelle de notre Dieu est constituée d’un chef, de vice-présidents, de directeurs, d’employés, d’un produit mis en marché. Et de gens qui achètent ce produit. […]’’  (FB : p. 58.)
Cette vision du catholicisme tend vers une comparaison avec le capitalisme américain. Il n’en fait cependant pas une critique négative. C’est sa vision du catholicisme en Amérique et il trouve cette constitution religieuse excellente : « Et c’est bien ainsi. Beaucoup plus que de chercher à savoir pourquoi, par exemple, ce moment présent est précieux parce ce que ce repas est délicieux. […] » (FB : p.59.) Cette vision capitaliste du cardinal face à la religion confirme à Marc S Morris qu’il n’a pas trouvé ce qu’il cherchait dans le catholicisme et qu’il doit reprendre la route, car c’est à cette société américaine qu’il refuse d’adhérer.
Si le roman Sur la route montre le clivage qui existe entre deux générations américaines, La foi du braconnier montre, lui, la multitude d’ethnies qui constitue ces générations. Alors que Jack Kerouac ne fait que décrire les gens qui l’entourent, Marc S. Morris, lui, vit la différence en étant lui-même une minorité ethnique.
La thématique qu’ils ont en commun est le catholicisme, dans La foi du braconnier la thématique de la religion est amenée avec des propos de critique sociale sous une vision moderne du catholicisme. Mais dans le roman  Sur la route  les références au catholicisme se font par un intertexte significatif et quelques références à dieu pendant des moments plus spirituels du voyage. La vision est donc cordialement différente même si les deux en ont une vision qui se veut positive. Ce qui est surprenant pour l’œuvre La foi du braconnier étant donné sa modernité.
Dû au fait que les deux livres traitent de sujets typiquement américains, on peut conclure que ces œuvres appartiennent au corpus littéraire nord-américain sans dépendre de l’origine des auteurs. Cependant, il est intéressant de remarquer qu’en plus de l’appel de la route, les deux auteurs abordent un sujet semblable et le font de façon diamétralement différente, et ce, en s’insérant dans deux époques différentes. Donc les auteurs américains abordent des thématiques semblables sans nécessairement se ressembler dans le propos. Jack Kerouac le faisant par des références textuelles et des analogies alors que Marc Séguin utilise plutôt une prise de position directe par la narration homodiégétique.  
Conclusion
En conclusion, il est possible d’analyser l’appel de la route dans La foi du braconnier et Sur la route  vue la grande réciprocité que les œuvres ont dans la façon d’afficher cette thématique. Dans ces oeuvres le voyage parait comme un exutoire aux problèmes qu’ils ont et une réponse à leur but à atteindre. Cette façon de répondre à un but part l’appel de la route prend de plus en plus de place dans la littérature américaine moderne. Il est maintenant fréquent de voir dans la littérature américaine des œuvres avec un contexte d’appel de la route pour atteindre un but quelconque. Cette modernité de l’appel de la route se transporte dans plusieurs styles littéraires, horreur avec Le cellulaire de Stephen King, suspense avec La route de Cormac McCarthy ou autofictionnel avec Carnet de voyage de Guillaume Vigneault. L’atteinte d’un but qui, dans la littérature américaine, passe toujours par un voyage sur la route. Il serait intéressant de faire un parallèle avec la littérature d’une autre origine pour voir de quelle façon les protagonistes tentent d’atteindre leur but.