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Photographie de Hugo Latour

vendredi 29 avril 2016

Écrire comme une marche dans la toundra

J'ai décidé de reprendre l'idée du blog un peu dans l'idée d'un carnet.
J'avais bien aimé avoir cette obligation là pour ma résidence au final et je crois que ça créer un espace de réflexion et de rencontre stimulant.
Espace qui sera investie pas des trucs dont je doute de la pertinence sur d'autres plateformes.

J'y viendrai moins souvent qu'avant, mais tout de même. Commençons avec deux essais sur ma démarche que j'ai du écrire pour deux cours à l'UQAR.

Le premier étant sur ma relation avec la nouvelle et le projet en prose Les femmes que j'aime ne font pas de bicyclette. 

Écrire comme une marche dans la toundra

Je n'ai aucun talent pour faire des essais ou des réflexions critiques sur ma démarche d'écriture.
Si je pouvais, je nommerais seulement les auteurs que j'ai lu cette session-ci et qui ont causé une grande remise en question chez moi. Même que certains ont changé ma façon d'appréhender le monde.

Juste pour les dernières semaines il y aurait : Raymond Carver, Marie Andrée Gill, Robert Lepage, Kiev Renaud, Kateri Lemmens, Marguerite Duras et Maurice Merleau Ponty.

Et cette liste n'est composée que de ceux qui m'ont marqué positivement, à ceux-ci devraient s'ajouter les livres que j'ai détestés, des films, de la musique et les conversations que j'ai eues.
Pour moi, une réflexion sur l’écriture, c'est de l'ordre du constat, du retour en arrière, du regard par dessus l'épaule pour voir ce que nous avons laissé derrière nous. Présentement, je ne suis pas dans cette position. Non, en ce moment, j'avance dans une tempête de grésil, de la poudreuse jusqu'aux genoux et une main sur le visage, pour me protéger.

Ce que je laisse dans mon sillage, le vent s'empresse de l'effacer. Ça ne sert à rien de me retourner, le paysage a déjà absorbé mon point de départ. Mais je ne veux pas dire pour autant que ma création, cette session, n'avait pas de point de départ, ça serait mentir, mais il est devenu flou avec le temps.


J'avais écris des textes trop longs et trop narratifs, à mes yeux, pour être des poèmes. C'était pour moi des nouvelles ou du moins l'idée que je m'en faisais. Seulement, quand je les ai soumises à des revues et que ces textes ont été publiés, ils étaient affichés sous l'enseigne de la poésie. Bien que cette assignation me surprenait, je ne m'y suis pas attardé très longtemps, j'ai simplement continué d'avancer et essayer de ne pas trop me perdre en chemin.

Il y a des gens plus prévoyants que moi, eux ils s'équipent efficacement pour subvenir à leurs besoins. Pour reprendre la métaphore de la tempête, c'est ce genre de personnes qui vont penser à planter des balises et attacher une longue corde à leur taille, pour retrouver leur chemin s'ils se perdent dans le blizzard.

Je ne suis pas ce genre de personne. Moi, je tâtonne, m'aveugle et me casse souvent la gueule.

Ce qui dans le fond, me permet de rester humble, alerte et même m'apprend à tomber d'une façon qui ne fait pas trop mal.

Mon écriture est sauvage, indomptable et en fait un peu à sa tête.
Je dois y consacrer du temps et de l'énergie pour ne pas que le monstre m'envahisse.
Presque au stade d'Hemingway qui rentrait dans son bureau en se protégeant d'un tabouret et en criant : « calm down», mais plus encore à celui de Desbiens :

Il remonte à son roman
qui l'attend comme une amante
il sait
tout écartillé et chaude sur
sa table de travail.
Elle est sous la lampe
et elle se fait bronzée et belle
sa fente de cahier
son poil de page.
Il ouvre la porte tranquillement pour la surprendre.
Elle aime les surprises.1

Pour moi, l'écriture n'a jamais été un but ou une volonté d'état social. C'est seulement un outil pour arriver à dire ce que j'ai à l'intérieur de ma tête. Je ne cherche pas à en vivre, ça me rendrait fou.
Je ne peux pas m'imaginer dans mon appartement avec le seul projet de produire une œuvre de création. Je respecte beaucoup les gens qui y arrivent.

Moi, je sais que je ferais tout sauf écrire ou du moins ce ne serait qu'une fois de temps en temps entre plusieurs films, bouffes et sorties.

Que je sois devenu écrivain est arrivé un peu par accident.

Pour combler ce que la photographie n'arrivait pas à faire je suppose.
J'ai commencé par écrire des nouvelles, qui étaient très politisées, dénonciatrices. Puis, la poésie engagée est arrivée, véritable discours descriptif de ce qui m’apparaît comme les plus grands troubles sociaux.

En 2012, après la grève, les manifestations et une dépression, il y a eu chez moi un grand silence.

Une étape encore que je n'arrive pas à expliquer.
Peut-être parce que c'est de l'ordre des traces dans la neige.

Je sais cependant que l'étape suivante fut une intériorisation.

Si avant 2012 le principal sujet de mon écriture était la société, après, ce sont des sujets beaucoup plus personnels qui ont teinté mon écriture.


Les femmes que j'aime ne font pas de bicyclette est une pierre angulaire de ces projets plus intimes.

À travers ma poésie et mon théâtre, ce projet de nouvelles illustre des histoires de mon adolescence.
Des souvenirs que j'ai oubliés en vieillissant, qui commencent à remonter à la surface.

Par exemple, le moment où, à la séparation de mes parents, j'ai dû quitter la campagne pour une petite banlieue avec des terrains clôturés ou bien les longs après-midis que mes amis et moi passions dans les rues à faire les 400 coups.
Aussi, ma première blonde, plus vieille et dégourdie qui me faisait découvrir des films vraiment étranges dans le sous-sol chez ses parents, ou encore une autre plus tard, déjà en appartement, qui savait cuisiner, faire l'épicerie, s'occuper pendants les longues journées sans école.

Donc, ce retour vers ma mythologie intérieure (comme la nomme Lise Vaillancourt) m'a fait me questionner sur les gens et les situations qui ont traversé ma vie.

Avec ce projet, je ne voulais pas tomber dans l'autofiction, ce sont des mondes et des histoires qui sont inspirés de ma vie, mais ne sont jamais arrivés.
Il n'y a pas eu de Folles aux quatre robes ou bien ma première copine ne fumait pas, c'est ma vision qui a teinté la réalité.
C'est important pour moi d'écrire des textes qui sont réalistes et donc peuvent être vécus.
L'emploi du présent et d'une narration descriptive et intradiégétique est une démarche importante pour moi. Je veux pouvoir toucher les souvenirs ou les fantasmes de mes lecteurs, qu'ils s'imaginent être les personnages .
Ce qui serait beaucoup plus difficile avec un récit au passé simple.
En soit, ce que je recherche avec mon projet de création Les femmes que j'aime ne font pas de bicyclettes, c'est de toucher le plus de gens avec un langage simple, mais qui demeure très poétique et accessoirement rendre encore plus floue la ligne entre la poésie narrative et la nouvelle.





1 P.Desbiens, La fissure de la fiction, p.171