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Photographie de Hugo Latour

lundi 2 avril 2018

national poetry month 2018



#napomo #monapo
( un poème par jour tout le mois d'avril pour le mois national de la poésie. Du moins c'était avant que ça plante au cinquième jour)



poème no 01.

le dimanche de pâques est un jour dominical comme les autres
-
ce soir, c’est pâques
c’est le poisson d’avril
c’est l’arrivée du crabe à rimouski

on dirait que tout le monde a acheté du crabe
on dirait que tout le monde est invité à un souper de crabes
et qu’ils vont se faire des jokes
et manger du chocolat
et passer du bon temps en famille

pas moi
moi j’ai pas de famille à rimouski
j’ai pas de crabes
j’ai juste des chaudrons et pas d’eau salée pour aller avec

je me dis que je pourrais m’acheter du goberge
que ça ferait pareil

je me demande si on dit « du goberge » ou « de la goberge »

je regarde sur google

les deux se disent et sont en spécial
mais l’épicerie est fermée

je me dis
aussi bien faire son ménage de printemps en avance

je vais m’acheter une nouvelle
vadrouille à la pharmacie
elle a l’air d’un vaisseau spatial dans son emballage vert et mauve

on dirait que j’ai douze ans
et que je viens de m’acheter un nouveau jouet
avec mon argent de pâques

je suis un extraterrestre qui n’aime pas le chocolat de pharmacie et qui a un nouveau vaisseau spatial à la place

j’ai hâte de rentrer chez nous pour l’essayer
voir s’il décolle bien
voir si les petites lingettes qui sont incluses
sentent le fleuve saint-laurent

je lave mes planchers
je lave mes murs
je lave ma table
je lave mes comptoirs
je lave mon poêle

je me mets des écouteurs
et dans mes écouteurs
c’est l’application balado de radio-canada
dans mes écouteurs
c’est Robert Lepage qui parle de théâtre

Robert Lepage dit qu’on n’a pas besoin de grands sujets
pour toucher les gens
qu’il suffit de parler de ce qu’on connait

on dirait que pour lui c’est facile
on dirait qu’il nous raconte une joke et que tout le monde trouve ça drôle

moi ce que je connais ce sont des planchers propres qui ne sentent pas grand-chose
pis une bibliothèque en désordre

ma bibliothèque ressemble à une table qui déborde de partout
j’en mets j’en mets

venez manger

y’en a qui parlent de crabes
je suis pas mal certain
va juste falloir fouiller

pas grave si ça finit tard

je vais aller vous reporter avec mon vaisseau spatial



poème no 2

la sueur froide de mes cernes
-

j’ai un poids sur la poitrine
pas grand-chose
environ 0.3 lb
mais à quatre heures du matin ça semble plus lourd

j’ai tout essayé pour que ça passe

boire de l’eau
tousser
manger une pastille

maintenant
je fais des exercices de respiration

j’ai l’impression de faire de la musculation
en bobettes dans mon lit

je me muscle les poumons
en alternance

le droit est légèrement plus gros que le gauche

c’est normal
je dors toujours mieux dos à la fenêtre
je prends des pauses de 5 minutes
entre chaque série

game sur mon cell
bois de l’eau

le soleil vient se tenir debout derrière moi

il est gentil le soleil

il spot mon entrainement même si
je ne lui ai rien demandé

il se penche sur moi
pour m’encourager

- lâche pas
- tu vas l’avoir
- encore une et t’arrêtes

la série semble s’éterniser
je pousse
je tousse,
mais plus rien ne bouge

le soleil est trop motivé pour moi
son haleine sent le shake mangue-ananas
quand il me parle
ça me dégoutte partout sur la face

j’en ai dans les yeux
je veux les fermer,
mais à chaque fois que je le fais
le soleil se fâche et me donne un coup de poing sur la poitrine

je me demande à quoi je rêvais
avant de me réveiller
je me demande à quoi les autres rêvent pour se rendormir

je pousse
je m’étouffe

le soleil se tanne de la maigreur de mes bras et me demande si j’ai bientôt
fini avec mon lit

je lui prêterais bien,
mais je sais plus comment en descendre

j’essaie de mon côté le plus fort,
mais j’échappe le poids sur le
plancher de ma chambre

mon voisin du dessous ce met à crier
sa voix engourdie ressemble à celle de sylvester stallone dans over the top

je me sens petit dans mon boxer d’entraînement
je me sens comme si un dix roues de l’année c’était stationné sur mon corps

je me dis que je n'aurai jamais de cardio
mais que je pourrais me recycler en insomniaque de concours
je pourrais faire le tour du pays pour montrer mes cernes

regardez j’ai les plus belles
regardez j’ai les plus creuses

je m’entraîne toutes les nuits pour avoir l’air aussi fatigué

ça prend du temps,
mais on commence à voir les progrès

poème no 3
-
l’acteur qui voudra jouer mon rôle aura besoin de doublures
-
je porte le même linge depuis une semaine

c’est mon uniforme de travail
j’ai un travail maintenant
je lis des thèses
je lis des mémoires
je lis des gens qui ont fini
ce que je n’arrive pas à commencer
mon uniforme à la même couleur qu’une nuit sans lune
mon uniforme est le même que celui d’un accessoiriste du TNM
mon coloc et moi
on fait des jokes là-dessus
« Passe-moi le sucre »
« Passe-moi le lait »
« Passe-moi le gun en plastique qui a l’air d’un vrai »
le gun en plastique c’est celui de Tchekhov
il prend toute la place sur la table
je ne sais pas encore ce qui va se passer mais une version de moi va surement mourir
en attendant
je bois une stout qui goûte juste la bière
j’enlève les poils de chat de sur mon gilet
j’essaie de me rappeler de quel bord de la scène j’ai laissé mes clés
dans mon script
qui est aussi l’étiquette de ma canette de bière
c’est écrit gardez au froid
c’est écrit trou noir
c’est écrit moins de 0.5%
je ne comprends pas ce qu’on tente de me dire
j’ai l’impression de vivre une catharsis mais que personne ne m’a averti
j’ai l’impression de ne pas avoir le bon casting pour jouer mon propre rôle
j’oublie tous les objets dont je suis responsable
à qui le gun ?
à qui l’épée ?
à qui l’oiseau ?
j’oublie comment on fait pour calculer ses heures de travail
j’oublie comment fonctionne excel
j’oublie le son de ma voix
j’oublie la différence entre la fiction et la réalité
le gun sur la table se dresse parmi les assiettes et les ustensiles
c’est mon mémoire qui me tient en joue
il a la gâchette nerveuse
je me demande soudainement qui est le méchant dans la pièce
je n’ai pas le temps de poser la question que mon mémoire tir pour tuer
la balle frôle la peau de mon gilet
la vraie balle du faux gun
sort par une porte
et revient par une autre
soudainement mon histoire dramatique devient un mauvais vaudeville
je me sens floué par ma vie
je me sens cocufié par ma vie
la balle fait trois fois le tour de la pièce
avant devenir se planter dans la chair fragile de ma tête
mais rien ne change
parce que j’ai oublié
comment on joue la mort


Poème no 4

Les journées de tempêtes semblent plus petites en vieillissant 
-

je suis triste aujourd’hui
je m’ennuie aujourd’hui

y’a pas vraiment de raison
c’est peut-être la neige
c’est peut-être le vent
c’est peut-être la buée dans mes yeux

déjà jeune
je m’ennuyais souvent

je me souviens ma grand-mère me niaisait avec ça 

elle me disait: ah oui, tu t’ennuies de qui ? 
                   
elle riait 
elle trouvait ça drôle

je ne comprenais pas 

je devais avoir six ans
je devais avoir douze ans
je devais avoir l’âge que j’ai aujourd’hui 

il faut que j’appelle ma grand-mère 
au moins pour lui demander comment elle va

mais j’ai trop peur qu’elle me retourne la question 

je ne saurais pas quoi dire

ah. ça va ça va 
rien de quoi me plaindre

je m’ennuie de ma blonde 
je m’ennuie ma soeur
je m’ennuie de ma nièce
je m’ennuie parce qu’on est mercredi
et que le facteur ne passe pas 

je n’appelle pas ma grand-mère
je n’attends plus le printemps 
je m’habille de mes bottes et je sors prendre une marche

salut les gens 
salut c’est moi
salut je suis sorti

je vais faire des travaux à la bibliothèque si ça vous tente 
je vais prendre trop de livres à la bibliothèque si ça vous tente

venez me déranger 
on va parler fort dans les rayons
on va jouer à la cachette 
on va dormir dans les fauteuils

je m’ennuie tout seul à la bibliothèque

c’est peut-être les vitres teintées
c’est peut-être la neige qui enterre les
arbres
c’est peut-être les deux livres que j’ai lus

venez me parler 
venez me sauver 

mon cellulaire ne fonctionne plus

je dis 
allô c’est moi 
allô je traverse la rue
allô ma lumière piéton est allumée

mais personne ne fait attention 

je ne sais plus quoi inventer pour avoir de l’attention

je veux juste me faire couler un bain 
je veux juste faire une sieste dans la chaleur de ma chambre
je veux seulement que les voitures ne m’écrasent pas 

je n’ai rien à dire aujourd’hui
je n’ai rien à faire aujourd’hui

je suis juste un petit gars qui a grandi trop vite aujourd’hui 


poème no 5 

il faut beaucoup de douceur pour écrire un poème de révolte


je ne dors plus la nuit 
j’écris des poèmes la nuit 
je bois des bières la nuit 
je lis des livres la nuit 

ma semaine est une perpétuelle suite de fatigue

je ne dors plus 
j’ai trop de choses à faire

je n’écris plus
je ressasse les mêmes idées

je pense réécrire les mêmes poèmes à la deuxième personne du singulier

je pense réécrire les mêmes poèmes à la première personne du pluriel

nous ne dormons plus
nous écrivons des poèmes la nuit
nous buvons des bières la nuit
nous lisons des livres la nuit

nous sommes une manifestation horizontale

attention nous avons des pancartes
attention nous avons des espoirs
attention nous respirons mal dans les foules

tu dis 
arrête d’écrire si tu n’aimes pas ça
tu dis
arrête d’écrire si ça te rend malade

tu ne me comprends pas

je n’écris rien
je parle 
je fais seulement parler
mais ça sort tout croche

je parle pour rien dire
et ça sort comme un poème

j’ai mal à la tête
je suis fatigué 
et ça devient un poème

il n’y a pas de fiction
j’ai vraiment mal à la tête
je suis vraiment fatigué

j’aimerais déposer ma tête sur ton épaule même si je ne te connais pas 

prends ma tête s'il te plaît
prends la seulement deux minutes
que je ferme les yeux 

ça l’air tellement plus confortable 
de l’autre côté de l’écran

je ne dors pas
je me repose les yeux 

je ne dors pas 
je pense à des slogans

je me réveille et je suis encore fatigué
je dors et je suis encore fatigué

je prends une douche 
et ça devient un poème 
je bois un café et ça devient un poème
on me téléphone et ça devient un poème

non je ne suis pas un agent d’artiste
oui je connais Catherine Cormier Larose
mais je ne sais pas comment la rejoindre

catherine c’est comme le boogie-man de la poésie québécoise 
écris son nom trois fois dans un poème et elle apparaîtra
   
« Catherine Cormier-Larose
Catherine Cormier-Larose 
Catherine Cormier-Larose » 

je ne sais pas si toutes mes tentatives fonctionnent vraiment

je tente de me recoucher mais ça ne marche pas

ce n’est pas de ma faute
si j’ai les yeux rouges
c’est à cause du gaz lacrymo

ce n’est pas de ma faute
si j’ai mal aux bras
c’est parce que je lis trop longtemps

c’est pas de ma faute si je ne dors plus
c’est parce que mon oreiller est toujours trop chaud 

je dois me lever tôt aujourd’hui
je dois encore sortir de chez moi aujourd’hui
je dois aller chercher des livres dans le quartier industriel aujourd’hui

le quartier industriel ressemble à un autre pays 

le bureau de Purolator ressemble à une autre prison politique 

la femme derrière le comptoir
ressemble à une récidiviste qui a gagné la bourse Vanier

elle me demande de quoi à l’air le monde à l’extérieur 

je lui dis que ça ressemble à un poème de Nelligan écrit par un autre
je lui dis que ça ressemble à un poème de Fernando Pessoa 
je lui dis que ça ressemble à un zine des productions arreuh 

elle semble comprendre
elle me tend une boite pleine
des poèmes de quelqu’un d’autre

en ouvrant la boite

je me dis  
ce sont des vrais poèmes ceux-là
ce sont des poèmes magnifiques ceux-là
ce sont des poèmes si beaux que j’ai peur qu’ils soient abimés par le monde extérieur

c’est pour ça que je fais des révolutions toutes les semaines
c’est pour ça que je ne dors plus la nuit

en me retournant dans mon lit
je me dis que moi je ne fais rien 

que moi je ne fais que parler 

parler 
parler
parler
parler 

ce ne sont pas des poèmes que j’écris

ce sont des phrases mal construites
ce sont des statuts facebook
ce sont des trucs qui ne changeront pas grand-chose finalement 

j’écris sur mes journées qui ne ressemblent pas mais qui sont de plus en plus épuisantes 

je n’écris pas je titube 

t’es sur que tu ne veux pas prendre ma tête sur tes épaules
ça me ferait du bien de prendre une pause 

j’ai une autre bière de prévue ce soir
j’ai un autre livre de prévu ce soir 

mes poèmes sont de plus en plus longs
alors que je dis de moins en moins de choses

ne me faites pas confiance
je ne sais pas communiquer

ne me faites pas confiance
je brise des bouteilles dans les dépanneurs 

ne me faites pas confiance 
je ne sais même comment on crée une émeute

je suis tout seul dans ma fatigue 

autour de moi 
vous faites jouer de la musique
autour de moi 
vous ouvrez des bières

moi j’ai peur de m’endormir
j’ai peur de m’endormir et de manquer quelque chose d’important
j’ai peur de m’endormir et de ne plus jamais me réveiller

mais la fatigue est plus forte que moi 

je m’enfonce tranquillement dans le divan
je m’enterre tranquillement dans le mutisme

je n’ai rien dit hier
et je ne dirai probablement plus rien demain 

je ferme les yeux

je me repasse ma journée en mémoire 

je me dis que ma journée serait probablement meilleure
écriture à la première personne du pluriel 

je me dis que de toute façon 
les meilleurs poèmes ont toujours été écrits
pendant que je dormais




poème no 6

-

les alvéoles pulmonaires sont des plantes qui demandent beaucoup de soins



je tousse 

ça réveil mon chat
je tousse ça réveil ma blonde

je m’en veux de tousser
c’est con tousser

ma blonde se rendort
en faisant des bye-bye avec ses doigts

je ne sais pas si ça veut dire quelque chose
peut-être qu’elle a appris le langage des signes 
peut-être qu’ils enseignent le langage des signes à l’université Laval 

j’imagine des noms de cours impossibles en fixant le plafond

du genre
sémiotique du corps humain 
ou 
langage appliqué
ou
énonciation pragmatique des doigts

je tousse encore

ma blonde rit de moi dans son sommeil
ça doit être parce que je suis allergique aux chats
ça doit être parce que je tousse mal

j’ai toujours toussé creux
je tiens ça de mon père

dans ma famille 
on a les épaules larges
et on tousse creux

on prend de la place dans un lit 
on a toujours chaud dans un lit 
on se lève six fois la nuit pour aller aux toilettes

je tousse encore
je google pneumonie sur mon cellulaire
j’ai tous les symptômes
ou aucuns 

ça dépend des sites que je regarde

je tousse
j’ai mal à la poitrine
je suis fatigué
et j’ai des hauts le coeur

prenez soin de mes chats si je meurs
finissez mes articles si je meurs 

j’ai trop de travail pour mourir cette semaine

j’ai toujours eu peur de mourir étouffer

j’ai toujours eu peur de mourir étouffer
tout seul dans mon appartement et que personne ne s’en rend compte 

je tousse encore
ma blonde ne bouge même plus

je mets à jour ma fiche médicale sur mon cellulaire

je me rends à l’évidence que tous mes numéros d’urgence sont à au moins 3 heures de char de chez moi

je devrais installer un bouton panique dans mon appartement

un bouton panique dans ma cuisine
un bouton panique dans ma chambre
un bouton panique dans ma douche

je m’étouffe au moins une fois par
semaine et je suis toujours tout seul quand ça arrive 

je devrais avertir mes voisins

attention je mange trop vite
attention je pourrais m’étouffer sur l’heure des repas

mon père aussi mange vite mais je ne sais pas si c’est héréditaire

en secondaire 5 on nous avait montré comment faire Heimlich

il nous avait que si on était tout seul
on pouvait le faire avec un dossier de chaise solide

je tape Heimlich alone sur google

google me dit de demander de l’aide
il me dit de tousser fort
il me dit qu’en cas de besoin mes meubles peuvent me sauver

le problème c’est que je suis trop petit pour mes chaises

j’ai les poumons de mon père
mais la grandeur de ma mère

je tousse encore 
mais ça ne dérange plus personne

je pense que 
si je parle si souvent de la mort
c’est pour que ça devienne une habitude
 -
poème no 7





poème no 8

-

Les bibliothèques municipales sont des inventions sédentaires -



je suis tanné de travailler
je suis tanné du silence

je fais une pause
je range la vaisselle
je sors la récupération  

j’en profite pour prendre une marche
il n'y a pas grande chose pour s’occuper dans Lac-Saint-Charles

des bruits de ski-doo
des pick-up
un bureau de poste
une quincaillerie
trois pizzerias
deux épiceries 
quatre dépanneurs 

un pour la bière
un pour le gaz
et deux autres de rechange 

même le soleil n’est pas sorti aujourd’hui

je décide de marcher jusqu’à la
bibliothèque municipale 

je croise des patios en construction 
je croise des entrées de garage vides.
je croise des enfants qui reviennent de l’école

je suis à contre-courant des enfants
je ne leur demande pas le chemin de la bibliothèque

je marche encore 
je me trompe de rue 
et me retrouve dans un quartier résidentiel 

à Lac-Saint-Charles aussi
on joue au hockey dans la rue
à Lac-Saint-Charles aussi 
on fait ses stops à l’américaine 

je finis par trouver la bibliothèque

elle est installée entre deux
terrains de soccer
elle ressemble à une école secondaire
d’ailleurs elle porte le même nom que mon école secondaire

la bibliothèque municipale n’est pas
une école
mais c’est aussi le salon de quilles de la ville

j’aimerais le dire à quelqu’un
mais mon cellulaire n’a plus de réception

de ma place 
qui est aussi une table feng shui
je peux entendre quand une boule 
revient vers son joueur

de ma place 
je peux entendre un enfant qui tape sur un jeu de construction 

je peux entendre un enfant enfoncer un clou en plastique avec un marteau en bois

il n’y a pas les livres de Jean-Philippe Chabot sur les rayons mais il y a 
L’empereur en culotte courte de Sébastien Chabot

je ne sais pas pourquoi mais je trouve cela conceptuel 

de ma place en faux bois 
je peux voir des spécialistes à LCN qui expliquent 
pourquoi la CAQ remonte dans les sondages

ils disent que la CAQ a réussi à aller chercher le vote des francophones

je dis à voix basse
je me demande ce que Chabot 
en penserait 

je ne pense pas à un Chabot en particulier au moment où je dis ça

je quitte la bibliothèque avoir lu un livre
je traverse la rue 
qui s’appelle aussi Lac-Saint-Charles

de l’autre côté 
il y a un dépanneur spécialisé en bière

dans le dépanneur 
il y a des bières en spécial 
et de la construction 

il y a un homme sur un escabeau qui installe un fil dans le plafond 
un autre qui perce un comptoir avec une perceuse 
et encore un autre qui tape sur des vrais clous avec un vrai marteau

presque toutes les bières en spécial viennent des Cantons-de-l’Est 

soudainement je ne me sens pas à ma place dans le dépanneur

je me dis que je ne suis pas assez manuel pour habiter Lac-Saint-Charles 

je paye ma bière 
et sors du dépanneur 

avant qu’on me demande une preuve de résidence 
avant qu’on me demande de construire quelque chose

je refais ma route à l’envers

je croise d’autres enfants

l’un des enfants à un dossard orange par-dessus son manteau

un autre tient une boîte à lunch en plastique gris 

je me dis que je connais deux poètes qui viennent de Lac-Saint-Charles

je me dis que les deux écrivent des poèmes comme on met à terre des immeubles

c’est peut-être un hasard 
ou peut-être pas

je rentre chez ma blonde en évitant les champs de construction 

je rentre chez ma blonde et je tente d’éviter les rues qui sont plus silencieuses que la bibliothèque 

#napomo #monapo 


L'écriture d'un journal de fiction ( ou trancher la part de la réalité et de la fiction)
Vivre sa solitude par l'écriture
Travailler à partir d'une maladie peu documenter (
Représenter des angoisses et troubles émotionnels par le dessin, alors que ce sont des événements qui ne se voient pas
Le besoin de refuge chez les personnages


Je vais formuler sous forme de questions plus précises et plus proche de notre sujet, mais pour l'instant ce sont les grandes lignes.

poème no 9
-
on n’a pas besoin d’inspiration quand on écrit notre journal intime
-

je fais un chocolat chaud à ma blonde
je le mets dans une tasse thermos pour qu’elle puisse l’emporter pendant sa marche

je lui dis que je lui ai fait un chocolat chaud
je lui dis la différence entre emporter
et apporter

elle ne me comprend pas

elle me dit qu’elle ne boit pas quand elle marche

je lui réponds qu’elle conduit depuis trop longtemps et que les thermos ont été faits pour les gens qui marchent 

elle ne trouve pas ma blague drôle

je vais surement en réentendre parler quand elle va la relire 

en attendant elle est partie prendre sa marche

en attendant le chocolat chaud refroidit sur la table du salon 

c’est une tasse du marathon d’écriture
c’est une tasse qui venait avec un t-shirt 

elle a eu la tasse et le t-shirt en s’impliquant durant le marathon

moi aussi je me suis impliqué
mais je n’ai eu ni tasse 
ni t-shirt

je me dis que c’est dommage car il est beau le t-shirt 
je me dis que c’est dommage parce que je n’ai plus de tasse pour boire mon café en marchant

je me dis que peut-être qu’en l’écrivant dans mon poème ça va y changer quelque chose 

j’aime ça moi boire quand je marche 
j’aime ça moi quand mon café reste chaud
j’aime ça moi prendre ma revanche dans la fiction 

mon premier prof de création disait toujours qu’il fallait départager la fiction de la réalité

mon premier prof de création a écrit son vrai nom dans le titre d’un de ses romans

mon premier prof de création disait toujours faite ce je dis pas ce que je fais 

on m’a dit ce matin que j’écrivais de plus en plus comme lui 

je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose 

j’ai jamais été bon avec les consignes 
j’ai jamais été bon avec la réalité

je me demande si c'est ça la véritable fissure de la fiction 

je me demande si je suis encore capable de faire la différence entre la fiction que j’étudie et ma réalité 

je me demande si je sais encore faire la différence entre la réalité et la fiction

je dis toujours : ah tu sais c’est de la fiction quand on m’accuse de mentir dans mes poèmes

en réalité je mens tout le temps à propos de ma fiction

ce n’est pas vrai 
que je connais la différence entre apporter et emporter 

en réalité c’est ma blonde qui me l’a expliqué

c’est juste moi ou il commence à faire chaud ici
vous trouvez pas qu’il commence à faire chaud 

on devrait au moins enlever quelques couches 

il y a l’auteur
il y a le narrateur
il y a le personnage
et il y a moi qui a chaud 

on devrait au moins ouvrir quelques fenêtres

bonjour mon nom est Patrick Nicol 
ce n’est pas vrai mais ça sonne mieux

je ris de ma blague tout seul
j’ai hâte de la mettre en ligne pour connaitre la réaction des gens

ce n’est pas vrai mais ça sonne mieux


je ris de ma blague tout seul
j’ai hâte de la mettre en ligne pour connaitre la réaction des gens


fais un 😂 si tu la trouves drôle
fais un ❤️ si tu veux que j'en fasse d'autres
fais un 😯 si tu voyais venir le punch-line
fais un 😡 si tu ne comprends pas la référence
fais un 😢 si tu veux que je t’explique la référence
fais un 👍 si tu veux qu’on retourne dans le poème


ne fais rien si tu ne veux pas devenir un personnage de fiction

la tasse de chocolat chaud n’est plus sur la table du salon
la tasse de chocolat chaud a été bue depuis longtemps

ça n’a pas encore d’importance 
mais plus tard je devrai arrêter d’écrire pour aller faire la vaisselle

mon premier prof de création disait que les idées de ses romans lui venaient en faisant la vaisselle

c’est peut-être parce que je n’ai pas de lave-vaisselle que je commence à lui ressembler 

je n’écris pas de roman

je n’écris pas de fiction 

j’écris mon journal intime 

mon journal intime c’est aussi internet

j’écris chacune de mes journées sur internet et ça prend la forme d’un poème

je vis chacune de mes journées comme si c’était la réalité

et si elles finissent toutes par se ressembler 
c’est parce que je n’ai pas le talent qu’il faut 
pour rendre la fiction de mes journées intéressante 



(Un poème par jour durant tout le mois d’avril; qu’on n’a pas toujours le temps de lire, mais je tente de le faire plus possible pour tout le monde et d’y faire référence dans les miens) 

Poème no 10
-
je n'ai pas sommeil
mais j'ai presque tout le reste


 

poème no 11
-
poésie factuelle
_
«On essaie de trouver pourquoi on a donné ce titre
je suis parti plus assuré dans cette histoire
je travaille face à ce que je vois
ça peut paraître un lieu commun
vide ou sans consistance
on est dans un certain type de conflictualité
en gros il ne s’était rien passé
la politique c’est aussi un art de l’attaque de la défense
si vous donnez pas d’exemples
on vous perd
un ça ne marche pas
deux c’est une bonne nouvelle que ça ne marche pas
le milieu théâtral est plus raffiné
la politique est un mot de mésentente
au théâtre il y a toujours ce doute
il y avait une possibilité d’autre chose
il était de quel côté Genet
après je ne pense pas
qu’un artiste doive justifier son travail
j’aimerais que le monde reste le même monde
pour continuer d’être contre lui. »

 #colloque

poème no 12
-
Chambre 1012
-

ce soir je dors à l’hôtel
j’aime ça dormir à l’hôtel
ça me fait sentir comme dans un vieux james bond
pas les nouveaux avec daniel craig
les vieux james bond dans lesquels le personnage mangeait encore du béluga caviar
et buvait des vesper au shaker pas à la cuillère
je suis un agent secret de la vieille école
je ne suis pas l’agent secret préféré de grands mondes

c’est parce que
j’ai des gouts de luxe quand je suis à l’hôtel

j’utilise deux serviettes de douche
je change de marque de shampoing
je ne refais pas mon lit

mon nouveau colloc est français
j’ai avertie ma blonde que je risque de revenir avec son accent

je ne parle qu’une seule langue, mais je peux en imiter les accents

on se les cailles
ça chlingue
on va guincher

je suis le genre d’agent qui se fond dans la masse

je joue au pool
je commande du vin trop cher
je vais à la piscine de l’hôtel

je n’ai pas de maillot de bain
c’est un short de gymnastique
personne ne fait la différence
personne ne remarque que je ne suis pas dans mon élément
personne ne remarque que je ne sais pas vraiment nager

on parle de sémiotique
on parle de Kristeva dans l’eau chaude
je ne sais pas si c’est l’expression dont on parle ou de la piscine

tout le monde va dormir
mais moi j’ai le gout d’une dernière bière

je rentre dans ma chambre sur la pointe des pieds
mon nouveau coloc dort déjà
je lui vol un livre avant de ressortir
je suis un espion qui agit dans le silence de la nuit

comon gang il est tôt
comon gang il est même pas 3 heures

dans le hall
je croise Jean-Philippe Baril Guérard

il me reconnait
il me salut

je me dis fuck ma couverture est brûlée
je me dis fuck on va me descendre c’est sur

je m’enfuis par la petite porte de l’entrée
celle qui mène à une rue qui est aussi une ruelle

je vais faire le guet au bar
je me fais conseiller ma bière
je me fais verser ma bière

je regarde la couverture
du livre que j’ai volé

c’est écrit jérôme baril dimanche

je me demande ce que ça veut dire

peut-être que c’est ma nouvelle cible
peut-être que c’est un avertissement

je tape jerome baril dans google

c’est écrit qu’il cherche un emploi
c’est écrit qu’on peut avoir des références à baril.jerome@hotmail.com

ça me semble être un piège
ça me semble être une tactique de tueur à gages

je commence à stresser pour mon identité secrète
je commence à stresser pour ma vie
je commence à suer dans ma chemise

je sue ma bière par tous les pores de ma peau

je sue sur mon tabouret
je sue sur le comptoir du bar
je sue dans mon verre

je me dis que je n’aurais pas dû prendre une stout
je me dis que j’aurais dû commander un martini
un martini aurait été plus élégant
un martini je l'aurais peut-être terminé

la fille à ma droite commande un shooter de scotch
la fille à ma droite commande aussi une bière noire
la fille à ma droite demande qu’on verse le scotch dans sa bière noire

le gars qui l’accompagne parle de la fois où il s’est battu dans un bar

le gars parle de la fois où il s’est fait barrer d’un bar

les deux sortent en laissant leurs verres sur le comptoir

je me demande si scotch et bière noire est un mélange hautement volatile

je ne me souviens plus de mes cours de sciences

je me demande combien j’ai de temps pour quitter le bar avant que tout explose

je ne me souviens plus de mon temps au 100 mètres

j’ai la tête qui tourne
je ne sais pas ce que l’on a mis dans mon verre que je ne finirai pas

je titube jusqu’à ma chambre d’hôtel
je titube pour être une cible plus difficile à tuer par balle

je parviens à atteindre ma chambre

je réussis à survivre jusqu’à mon lit

et je branche le détonateur de mon réveil

si je me lève tôt demain
je pourrai peut-être sauver une partie du monde avant que quelqu’un s'en rend compte
-
Poème no 13.
-
les ennemis de James Bond mangent épicé et ont la même couleur de yeux que moi

je regarde mon cellulaire une dernière fois avant de me coucher

sur mon cellulaire ça parle d'un bombardement en syrie

je n'ai pas les détails mais on dirait que les méchants sont entrain de gagner

ce n’était pas prévu dans le scripte
ce n’était pas prévu dans mon poème

je me dis que finalement il est peut-être trop tard pour essayer de me réveiller tôt

que je serais mieux de me réveiller tout de suite pour écrire un autre poème

je me dis que je n’en suis pas capable
que je remettrai ça à demain

que je laisserai passer au moins deux trois jours

je me dis que les missions secrètes sont beaucoup plus vraies et sérieuses quand on les lit dans les journaux

poème no 14
-
arrêtez de me demander comment je vais, je n’ai pas le temps de vous répondre
-

l’hiver n’en fini plus
tout le monde en fait un poème à sa façon
moi je prends un bain

j’ai coupé sur le chauffage depuis deux semaines
je peux me permettre un bain

pendant que l’eau refroidit
je pense à un poème de maude veilleux

je pense à toutes les personnes qui tentent d’écrire des poèmes comme maude veilleux

je pense à moi qui tentais d’écrire comme elle durant ma période la plus creuse
je pense à la poésie sur les réseaux sociaux

je pense aux réseaux sociaux en général

je pense à vraiment à trop choses quand je suis dans le bain

pour m’occuper l’esprit je lis deux livres

un recueil de poèmes et une bande dessinée

les deux sont pour deux travails différents
les deux sont bons
mais la bande-dessinée est encore meilleure

je suis encore dans l’histoire
je suis encore dans mon bain

je n’ai pas envie de sortir de l’eau tiède
j’aimerais me laisser dériver encore longtemps

j’aimerais faire couler l’eau de mon bain jusqu’à mon lit

les draps sont froids mais dépourvus de sommeil

je regarde la fin d’un film
je regarde le début d’un autre

je vais dans la cuisine me faire des ramens avec de l’eau chaude

dehors les gyrophares d’une ambulance éclairent le boulevard

j’espère que ce n’est rien de grave
j’espère que cette personne que je ne connais pas va s’en sortir

hier j’ai lu deux essais pour un autre travail
les deux essais parlaient du concept du care

je pense que je travaille trop
je pense que lis trop
je pense que je suis trop influençable par ce qui m’entour

j’aimerais écrire un long poème qui ne serait que des citations de tous les textes que je lis

j’aimerais écrire un long poème avec toutes les vidéos que je regarde

j’aimerais écrire un long poème sur mes journées mais je pense que ça finirait par devenir plate

surtout si on sait déjà comment mes journées se terminent

un poème sur moi qui a faim
un poème sur moi qui veut boire de la bière
un poème sur moi qui attend que l’hiver finisse
un poème sur moi qui s’inquiète pour toutes les ambulances que je croise

l’angoisse est une habitude qui vient avec de la pratique

à force d’entrainement on peut en porter de plus en plus lourdes

je pourrais aller aux olympiques grâce à mes angoisses

je pourrais mettre ça dans mon c.v
je pourrais postuler pour des bourses

ne me demandez pas de participer
je vais dire oui

ne me demander pas de dormir 8h par nuit
je n’y arriverai pas

si je me couche tout de suite
je snoozerai moins demain

si je me couche tout de suite
je pourrai travailler plus longtemps demain

si je rajoute une couverture et que je coupe le chauffage
je pourrai peut-être prendre un autre bain

« l’hiver s’éternise
et, je me bats encore
pour pas lâcher
un toaster dans mon bain »

ce n’est pas de moi
c’est maude veilleux

ce n’est pas de l’angoisse
c’est un souci du détail

ce n’est pas comment je me sens
c’est un poème


(Un poème par jour tout le mois d’avril pour le mois national de la poésie. J’aurais dû me mettre aux mandalas)
poème no 15
-
haïku fiscal
-
entre l’enveloppe et le dépot
je murmure le montant de mon chèque
pour ne pas l’oublier 



poème no 16 

-
la neige d'avril n'est qu'une autre sorte de pelage
-

je n’ai pas envie de rentrer chez-moi
je veux marcher dans les rues jusqu’à tomber de fatigue et de froid

j’ai mis mon manteau de cuir aujourd’hui
j’ai mis mon manteau de cuir pour aller travailler à la bibliothèque

j’ai mis mon manteau de cuir pour faire de l’attitude 
aux oiseaux
aux bancs de neige 
aux poteaux de téléphone

je suis une grande tristesse mal habillée pour la saison 

je marche de chez moi à la bibliothèque
de la bibliothèque à la caisse 
de la caisse à je ne sais pas encore trop où

je connais toutes les rues
par leur nom 
mais personne ne me les demande jamais 
ça doit être le manteau de cuir
ça doit être mon attitude de chat sauvage

je marche les poings fermés
pour qu’on ne remarque pas que j’ai encore oublié de me couper les ongles 

je me rentre les doigts mal dégriffés 
dans la paume des mains

ça me réchauffe en quelque sorte

entre le moment où je mets mes chèques de paye dans l’enveloppe
et j’entre l’enveloppe dans le guichet
je murmure trois fois le montant

je murmure trois fois le montant pour ne pas l’oublier 

je murmure trois fois le montant pour que le guichet me donne la réplique

on m’a toujours dit de faire les choses trois fois 
ce n’est pas un tic d’écriture
c’est une question de narration
c’est une question de rythme

je ne me suis jamais demandé 
si ça changait vraiment quelque chose 
mais je le fais quand même

je sors de la caisse et 
entre de plein fouet
dans le frette du printemps

ça me dresse le poil des pattes
ça cabre le cuir de mon manteau

je rentre chez moi 
même si je sais que mon mémoire va me culpabiliser 

mon mémoire sait faire le bon regard pour me virer l’estomac à l’envers

aussitôt arrivé je lui dis:
je vais aller prendre une marche
j’ai besoin de prendre un peu d’air
je ne rentrerai pas trop tard

il ne me croit pas
il n’est pas dupe
il me connait

il barrera la porte quand je sortirai

en attendant je cherche mes petits gants
je cherche mes petits gants pour me cacher les ongles que je ne ronge pas

je cherche tout le temps toutes mes affaires 

où est mon portefeuille
où sont mes clés
où est ma tuque

mon mémoire me regarde et ne m’aide pas

il me connait 

j’abandonne mes recherches
je n’ai pas beaucoup de patience quand il s’agit de chercher mes choses

j’ai du les oublier quelque part
j’ai du les avoir mis dans un autre manteau 
j’ai du m’éparpiller sur plusieurs vies

attention je ne crois pas en la  réincarnation 
sauf quand il s’agit des chats

il faut savoir choisir ses batailles
j’ai décidé d’être dans le camp de ceux et celles qui ne veulent pas prendre de décision 

je sors de chez-moi dans un claquement de cuir 
ce n’est pas parce que je suis fâché
c’est parce que ma porte ferme mal

je descends les marches de mon bloc
avec l’attitude d’un homme qui en veut contre les cadres de porte

parlez-moi pas je suis dans ma tête
et ne veux pas en sortir 

je marche d’une rue à l’autre
je marche vers le fleuve
je marche vers la mer

je regarde le soleil se tremper les pieds dans l’eau dégelée du printemps

c’est beau
c’est paisible

je me sens comme dans un lucky luke
je me sens comme à la fin d’un lucky luke quand toutes les balles ont été tirées

quand il ne reste plus qu’à ramasser tous les petits bouts d’ombres qui trainent par terre

attention ne marchez pas dessus 

je vais les prendre-moi si personne n’en veut 

aidez-moi s’il vous plait
il y en a trop pour mes mains

s’il vous plait
mon manteau n’a pas de poche

s’il vous plait
je ne pourrai pas tous les accueillir chez moi