Jeudi soir 3 janvier. La table est collante, des feuilles imprimées d’Érudit sont tachées et éparpillées, mon
marqueur achève de rendre l’âme. On s’est rassemblé 4 gars. Les seuls de notre
année, pour terminer l’analyse de Angéline
de Montbrun.
« Vous me posterez ça le 5 janvier pour qu’il arrive le 7 chez
nous. »
50% rétroactif, 100 %.
On se disait: « elle, il
la corrige. »
Le 5 c’est un samedi, le 4 un vendredi. Un vendredi dans le temps des
fêtes c’est précieux on-touche-pas-à-ça. Donc le 3 janvier on se rassemblait
ensemble dans mon appart et on cuvait les restants de nos partys’s de
familles. Fatigué et avancé sur
l’alcoolisme, rapidement le sort d’Angéline devint moins grave, presque comique.
Là on le vit.
Son crâne chauve parsemé de taches de vieillesse.
Sa chevalière montée d’une pierre noire.
Ses yeux bleus enchâssés dans un amas de cernes.
Lui, en personne. [1]
Attrape le cauliss.
À tour de rôle on le tenait sous les bras pour pas qu’il bouge, pendant
que l’autre se défoulait comme s’il était une poche de riz.
On y mit toute notre rage contenue depuis des mois.
Il figurait tour à tour Charest, Beauchamp, Courchesne, Bureau-Blouin,
Marois, Tremblay, Zambito, Vaillancourt.
Pis des choses plus abstraites qu’on se donnait plus le temps de
therminologués.
Le printemps érable, le dégel de l’été politique, la juste part, la
session compressée, la vente des symboles, la mauvaise gestion des recteurs, la
perte d’argent, d’énergie, d’idéologie, d’avenir.
On frappait.
Avec nos poings, mais surtout avec les bouteilles, les livres et les
casseroles qui trainaient sur la table.
Ce qu’il était réellement tombait en flaque sur le plancher.
À force d’échanger nos places pour soutenir ce qui n’était plus qu’un
poids lourd. On laissait des traces de pas rouges partout dans la cuisine.
On était plus silencieux.
Au moment où je réalisais ce que je faisais, j’étais en train de le défoncer en criant : « Pis là,
c’est qui, qui est intradiégétique? »
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