#napomo #monapo
( un poème par jour tout le mois d'avril pour le mois national de la poésie. Du moins c'était avant que ça plante au cinquième jour)
poème no 01.
le dimanche de pâques est un jour dominical comme les autres
-
ce soir, c’est pâques
c’est le poisson d’avril
c’est l’arrivée du crabe à rimouski
on dirait que tout le monde a acheté du crabe
on dirait que tout le monde est invité à un souper de crabes
et qu’ils vont se faire des jokes
et manger du chocolat
et passer du bon temps en famille
pas moi
moi j’ai pas de famille à rimouski
j’ai pas de crabes
j’ai juste des chaudrons et pas d’eau salée pour aller avec
je me dis que je pourrais m’acheter du goberge
que ça ferait pareil
je me demande si on dit « du goberge » ou « de la goberge »
je regarde sur google
les deux se disent et sont en spécial
mais l’épicerie est fermée
je me dis
aussi bien faire son ménage de printemps en avance
je vais m’acheter une nouvelle
vadrouille à la pharmacie
elle a l’air d’un vaisseau spatial dans son emballage vert et mauve
on dirait que j’ai douze ans
et que je viens de m’acheter un nouveau jouet
avec mon argent de pâques
je suis un extraterrestre qui n’aime pas le chocolat de pharmacie et qui a un nouveau vaisseau spatial à la place
j’ai hâte de rentrer chez nous pour l’essayer
voir s’il décolle bien
voir si les petites lingettes qui sont incluses
sentent le fleuve saint-laurent
je lave mes planchers
je lave mes murs
je lave ma table
je lave mes comptoirs
je lave mon poêle
je me mets des écouteurs
et dans mes écouteurs
c’est l’application balado de radio-canada
dans mes écouteurs
c’est Robert Lepage qui parle de théâtre
Robert Lepage dit qu’on n’a pas besoin de grands sujets
pour toucher les gens
qu’il suffit de parler de ce qu’on connait
on dirait que pour lui c’est facile
on dirait qu’il nous raconte une joke et que tout le monde trouve ça drôle
moi ce que je connais ce sont des planchers propres qui ne sentent pas grand-chose
pis une bibliothèque en désordre
ma bibliothèque ressemble à une table qui déborde de partout
j’en mets j’en mets
venez manger
y’en a qui parlent de crabes
je suis pas mal certain
va juste falloir fouiller
pas grave si ça finit tard
je vais aller vous reporter avec mon vaisseau spatial
poème no 2
la sueur froide de mes cernes
-
j’ai un poids sur la poitrine
pas grand-chose
environ 0.3 lb
mais à quatre heures du matin ça semble plus lourd
j’ai tout essayé pour que ça passe
boire de l’eau
tousser
manger une pastille
maintenant
je fais des exercices de respiration
j’ai l’impression de faire de la musculation
en bobettes dans mon lit
je me muscle les poumons
en alternance
le droit est légèrement plus gros que le gauche
c’est normal
je dors toujours mieux dos à la fenêtre
je prends des pauses de 5 minutes
entre chaque série
game sur mon cell
bois de l’eau
le soleil vient se tenir debout derrière moi
il est gentil le soleil
il spot mon entrainement même si
je ne lui ai rien demandé
il se penche sur moi
pour m’encourager
- lâche pas
- tu vas l’avoir
- encore une et t’arrêtes
la série semble s’éterniser
je pousse
je tousse,
mais plus rien ne bouge
le soleil est trop motivé pour moi
son haleine sent le shake mangue-ananas
quand il me parle
ça me dégoutte partout sur la face
j’en ai dans les yeux
je veux les fermer,
mais à chaque fois que je le fais
le soleil se fâche et me donne un coup de poing sur la poitrine
je me demande à quoi je rêvais
avant de me réveiller
je me demande à quoi les autres rêvent pour se rendormir
je pousse
je m’étouffe
le soleil se tanne de la maigreur de mes bras et me demande si j’ai bientôt
fini avec mon lit
je lui prêterais bien,
mais je sais plus comment en descendre
j’essaie de mon côté le plus fort,
mais j’échappe le poids sur le
plancher de ma chambre
mon voisin du dessous ce met à crier
sa voix engourdie ressemble à celle de sylvester stallone dans over the top
je me sens petit dans mon boxer d’entraînement
je me sens comme si un dix roues de l’année c’était stationné sur mon corps
je me dis que je n'aurai jamais de cardio
mais que je pourrais me recycler en insomniaque de concours
mais que je pourrais me recycler en insomniaque de concours
je pourrais faire le tour du pays pour montrer mes cernes
regardez j’ai les plus belles
regardez j’ai les plus creuses
je m’entraîne toutes les nuits pour avoir l’air aussi fatigué
ça prend du temps,
mais on commence à voir les progrès
poème no 3
-
l’acteur qui voudra jouer mon rôle aura besoin de doublures
-
je porte le même linge depuis une semaine
poème no 3
-
l’acteur qui voudra jouer mon rôle aura besoin de doublures
-
je porte le même linge depuis une semaine
c’est mon uniforme de travail
j’ai un travail maintenant
je lis des thèses
je lis des mémoires
je lis des gens qui ont fini
ce que je n’arrive pas à commencer
mon uniforme à la même couleur qu’une nuit sans lune
mon uniforme est le même que celui d’un accessoiriste du TNM
mon coloc et moi
on fait des jokes là-dessus
« Passe-moi le sucre »
« Passe-moi le lait »
« Passe-moi le gun en plastique qui a l’air d’un vrai »
le gun en plastique c’est celui de Tchekhov
il prend toute la place sur la table
je ne sais pas encore ce qui va se passer mais une version de moi va surement mourir
en attendant
je bois une stout qui goûte juste la bière
j’enlève les poils de chat de sur mon gilet
j’essaie de me rappeler de quel bord de la scène j’ai laissé mes clés
dans mon script
qui est aussi l’étiquette de ma canette de bière
c’est écrit gardez au froid
c’est écrit trou noir
c’est écrit moins de 0.5%
je ne comprends pas ce qu’on tente de me dire
j’ai l’impression de vivre une catharsis mais que personne ne m’a averti
j’ai l’impression de ne pas avoir le bon casting pour jouer mon propre rôle
j’oublie tous les objets dont je suis responsable
à qui le gun ?
à qui l’épée ?
à qui l’oiseau ?
j’oublie comment on fait pour calculer ses heures de travail
j’oublie comment fonctionne excel
j’oublie le son de ma voix
j’oublie la différence entre la fiction et la réalité
le gun sur la table se dresse parmi les assiettes et les ustensiles
c’est mon mémoire qui me tient en joue
il a la gâchette nerveuse
je me demande soudainement qui est le méchant dans la pièce
je n’ai pas le temps de poser la question que mon mémoire tir pour tuer
la balle frôle la peau de mon gilet
la vraie balle du faux gun
sort par une porte
et revient par une autre
soudainement mon histoire dramatique devient un mauvais vaudeville
je me sens floué par ma vie
je me sens cocufié par ma vie
la balle fait trois fois le tour de la pièce
avant devenir se planter dans la chair fragile de ma tête
mais rien ne change
parce que j’ai oublié
comment on joue la mort
Poème no 4
parler
j’ai un travail maintenant
je lis des thèses
je lis des mémoires
je lis des gens qui ont fini
ce que je n’arrive pas à commencer
mon uniforme à la même couleur qu’une nuit sans lune
mon uniforme est le même que celui d’un accessoiriste du TNM
mon coloc et moi
on fait des jokes là-dessus
« Passe-moi le sucre »
« Passe-moi le lait »
« Passe-moi le gun en plastique qui a l’air d’un vrai »
le gun en plastique c’est celui de Tchekhov
il prend toute la place sur la table
je ne sais pas encore ce qui va se passer mais une version de moi va surement mourir
en attendant
je bois une stout qui goûte juste la bière
j’enlève les poils de chat de sur mon gilet
j’essaie de me rappeler de quel bord de la scène j’ai laissé mes clés
dans mon script
qui est aussi l’étiquette de ma canette de bière
c’est écrit gardez au froid
c’est écrit trou noir
c’est écrit moins de 0.5%
je ne comprends pas ce qu’on tente de me dire
j’ai l’impression de vivre une catharsis mais que personne ne m’a averti
j’ai l’impression de ne pas avoir le bon casting pour jouer mon propre rôle
j’oublie tous les objets dont je suis responsable
à qui le gun ?
à qui l’épée ?
à qui l’oiseau ?
j’oublie comment on fait pour calculer ses heures de travail
j’oublie comment fonctionne excel
j’oublie le son de ma voix
j’oublie la différence entre la fiction et la réalité
le gun sur la table se dresse parmi les assiettes et les ustensiles
c’est mon mémoire qui me tient en joue
il a la gâchette nerveuse
je me demande soudainement qui est le méchant dans la pièce
je n’ai pas le temps de poser la question que mon mémoire tir pour tuer
la balle frôle la peau de mon gilet
la vraie balle du faux gun
sort par une porte
et revient par une autre
soudainement mon histoire dramatique devient un mauvais vaudeville
je me sens floué par ma vie
je me sens cocufié par ma vie
la balle fait trois fois le tour de la pièce
avant devenir se planter dans la chair fragile de ma tête
mais rien ne change
parce que j’ai oublié
comment on joue la mort
Poème no 4
Les
journées de tempêtes semblent plus petites en vieillissant
-
je suis
triste aujourd’hui
je
m’ennuie aujourd’hui
y’a pas
vraiment de raison
c’est
peut-être la neige
c’est
peut-être le vent
c’est
peut-être la buée dans mes yeux
déjà
jeune
je
m’ennuyais souvent
je me
souviens ma grand-mère me niaisait avec ça
elle me
disait: ah oui, tu t’ennuies de qui ?
elle
riait
elle
trouvait ça drôle
je ne
comprenais pas
je devais
avoir six ans
je devais
avoir douze ans
je devais
avoir l’âge que j’ai aujourd’hui
il faut
que j’appelle ma grand-mère
au moins
pour lui demander comment elle va
mais j’ai
trop peur qu’elle me retourne la question
je ne
saurais pas quoi dire
ah. ça va
ça va
rien de
quoi me plaindre
je
m’ennuie de ma blonde
je
m’ennuie ma soeur
je
m’ennuie de ma nièce
je
m’ennuie parce qu’on est mercredi
et que le
facteur ne passe pas
je
n’appelle pas ma grand-mère
je
n’attends plus le printemps
je
m’habille de mes bottes et je sors prendre une marche
salut les
gens
salut
c’est moi
salut je
suis sorti
je vais
faire des travaux à la bibliothèque si ça vous tente
je vais
prendre trop de livres à la bibliothèque si ça vous tente
venez me
déranger
on va
parler fort dans les rayons
on va
jouer à la cachette
on va
dormir dans les fauteuils
je
m’ennuie tout seul à la bibliothèque
c’est
peut-être les vitres teintées
c’est
peut-être la neige qui enterre les
arbres
c’est
peut-être les deux livres que j’ai lus
venez me
parler
venez me
sauver
mon
cellulaire ne fonctionne plus
je
dis
allô
c’est moi
allô je
traverse la rue
allô ma
lumière piéton est allumée
mais
personne ne fait attention
je ne
sais plus quoi inventer pour avoir de l’attention
je veux
juste me faire couler un bain
je veux
juste faire une sieste dans la chaleur de ma chambre
je veux
seulement que les voitures ne m’écrasent pas
je n’ai
rien à dire aujourd’hui
je n’ai
rien à faire aujourd’hui
je suis
juste un petit gars qui a grandi trop vite aujourd’hui
poème
no 5
il faut beaucoup de douceur pour écrire un poème de révolte
je ne dors plus la nuit
j’écris des poèmes la nuit
je bois des bières la nuit
je lis des livres la nuit
ma semaine est une perpétuelle suite
de fatigue
je ne dors plus
j’ai trop de choses à faire
je n’écris plus
je ressasse les mêmes idées
je pense réécrire les mêmes poèmes à
la deuxième personne du singulier
je pense réécrire les mêmes poèmes à
la première personne du pluriel
nous ne dormons plus
nous écrivons des poèmes la nuit
nous buvons des bières la nuit
nous lisons des livres la nuit
nous sommes une manifestation
horizontale
attention nous avons des pancartes
attention nous avons des espoirs
attention nous respirons mal dans
les foules
tu dis
arrête d’écrire si tu n’aimes pas ça
tu dis
arrête d’écrire si ça te rend malade
tu ne me comprends pas
je n’écris rien
je parle
je fais seulement parler
mais ça sort tout croche
je parle pour rien dire
et ça sort comme un poème
j’ai mal à la tête
je suis fatigué
et ça devient un poème
il n’y a pas de fiction
j’ai vraiment mal à la tête
je suis vraiment fatigué
j’aimerais déposer ma tête sur ton
épaule même si je ne te connais pas
prends ma tête s'il te plaît
prends la seulement deux minutes
que je ferme les yeux
ça l’air tellement plus
confortable
de l’autre côté de l’écran
je ne dors pas
je me repose les yeux
je ne dors pas
je pense à des slogans
je me réveille et je suis encore
fatigué
je dors et je suis encore fatigué
je prends une douche
et ça devient un poème
je bois un café et ça devient un
poème
on me téléphone et ça devient un
poème
non je ne suis pas un agent
d’artiste
oui je connais Catherine Cormier
Larose
mais je ne sais pas comment la
rejoindre
catherine c’est comme le boogie-man
de la poésie québécoise
écris son nom trois fois dans un poème
et elle apparaîtra
« Catherine
Cormier-Larose
Catherine
Cormier-Larose
Catherine
Cormier-Larose »
je ne sais pas si toutes mes
tentatives fonctionnent vraiment
je tente de me recoucher mais ça ne
marche pas
ce n’est pas de ma faute
si j’ai les yeux rouges
c’est à cause du gaz lacrymo
ce n’est pas de ma faute
si j’ai mal aux bras
c’est parce que je lis trop
longtemps
c’est pas de ma faute si je ne dors
plus
c’est parce que mon oreiller est
toujours trop chaud
je dois me lever tôt aujourd’hui
je dois encore sortir de chez moi
aujourd’hui
je dois aller chercher des livres
dans le quartier industriel aujourd’hui
le quartier industriel ressemble à
un autre pays
le bureau de Purolator ressemble à une
autre prison politique
la femme derrière le comptoir
ressemble à une récidiviste qui a
gagné la bourse Vanier
elle me demande de quoi à l’air le
monde à l’extérieur
je lui dis que ça ressemble à un
poème de Nelligan écrit par un autre
je lui dis que ça ressemble à un
poème de Fernando Pessoa
je lui dis que ça ressemble à un
zine des productions arreuh
elle semble comprendre
elle me tend une boite pleine
des poèmes de quelqu’un d’autre
en
ouvrant la boite
je me dis
ce sont des vrais poèmes ceux-là
ce sont des vrais poèmes ceux-là
ce sont des poèmes magnifiques
ceux-là
ce sont des poèmes si beaux que j’ai
peur qu’ils soient abimés par le monde extérieur
c’est pour ça que je fais des
révolutions toutes les semaines
c’est pour ça que je ne dors plus la
nuit
en me retournant dans mon lit
je me dis que moi je ne fais
rien
que moi je ne fais que parler
parler
parler
parler
parler
ce ne sont pas des poèmes que
j’écris
ce sont des phrases mal construites
ce sont des statuts facebook
ce sont des trucs qui ne changeront
pas grand-chose finalement
j’écris sur mes journées qui ne
ressemblent pas mais qui sont de plus en plus épuisantes
je n’écris pas je titube
t’es sur que tu ne veux pas prendre
ma tête sur tes épaules
ça me ferait du bien de prendre une
pause
j’ai une autre bière de prévue ce
soir
j’ai un autre livre de prévu ce
soir
mes poèmes sont de plus en plus
longs
alors que je dis de moins en moins
de choses
ne me faites pas confiance
je ne sais pas communiquer
ne me faites pas confiance
je brise des bouteilles dans les
dépanneurs
ne me faites pas confiance
je ne sais même comment on crée une
émeute
je suis tout seul dans ma
fatigue
autour de moi
vous faites jouer de la musique
autour de moi
vous ouvrez des bières
moi j’ai peur de m’endormir
j’ai peur de m’endormir et de
manquer quelque chose d’important
j’ai peur de m’endormir et de ne
plus jamais me réveiller
mais la fatigue est plus forte que moi
je m’enfonce tranquillement dans le
divan
je m’enterre tranquillement dans le
mutisme
je n’ai rien dit hier
et je ne dirai probablement plus
rien demain
je ferme les yeux
je me repasse ma journée en
mémoire
je me dis que ma journée serait
probablement meilleure
écriture à la première personne du pluriel
écriture à la première personne du pluriel
je me dis que de toute façon
les meilleurs poèmes ont toujours été
écrits
pendant que je dormais
pendant que je dormais
poème
no 6
-
les alvéoles pulmonaires sont des plantes qui demandent beaucoup de soins
je tousse
ça réveil mon chat
je tousse ça réveil ma blonde
je m’en veux de tousser
c’est con tousser
ma blonde se rendort
en faisant des bye-bye avec ses
doigts
je ne sais pas si ça veut dire
quelque chose
peut-être qu’elle a appris le
langage des signes
peut-être qu’ils enseignent le
langage des signes à l’université Laval
j’imagine des noms de cours
impossibles en fixant le plafond
du genre
sémiotique du corps humain
ou
langage appliqué
ou
énonciation pragmatique des doigts
je tousse encore
ma blonde rit de moi dans son
sommeil
ça doit être parce que je suis
allergique aux chats
ça doit être parce que je tousse mal
j’ai toujours toussé creux
je tiens ça de mon père
dans ma famille
on a les épaules larges
et on tousse creux
on prend de la place dans un
lit
on a toujours chaud dans un
lit
on se lève six fois la nuit pour
aller aux toilettes
je tousse encore
je google pneumonie sur mon cellulaire
j’ai tous les symptômes
ou aucuns
ça dépend des sites que je regarde
je tousse
j’ai mal à la poitrine
je suis fatigué
et j’ai des hauts le coeur
prenez soin de mes chats si je meurs
finissez mes articles si je
meurs
j’ai trop de travail pour mourir
cette semaine
j’ai toujours eu peur de mourir
étouffer
j’ai toujours eu peur de mourir
étouffer
tout seul dans mon appartement et
que personne ne s’en rend compte
je tousse encore
ma blonde ne bouge même plus
je mets à jour ma fiche médicale sur
mon cellulaire
je me rends à l’évidence que tous
mes numéros d’urgence sont à au moins 3 heures de char de chez moi
je devrais installer un bouton
panique dans mon appartement
un bouton panique dans ma cuisine
un bouton panique dans ma chambre
un bouton panique dans ma douche
je m’étouffe au moins une fois par
semaine et je suis toujours tout
seul quand ça arrive
je devrais avertir mes voisins
attention je mange trop vite
attention je pourrais m’étouffer sur
l’heure des repas
mon père aussi mange vite mais je ne
sais pas si c’est héréditaire
en secondaire 5 on nous avait montré
comment faire Heimlich
il nous avait que si on était tout
seul
on pouvait le faire avec un dossier
de chaise solide
je
tape Heimlich alone sur google
google me dit de demander de l’aide
il me dit de tousser fort
il me dit qu’en cas de besoin mes
meubles peuvent me sauver
le problème c’est que je suis trop
petit pour mes chaises
j’ai les poumons de mon père
mais la grandeur de ma mère
je tousse encore
mais ça ne dérange plus personne
je
pense que
si je parle si souvent de la mort
c’est pour que ça devienne une
habitude
-
poème
no 8
-
Les
bibliothèques municipales sont des inventions sédentaires -
je suis tanné de travailler
je suis tanné du silence
je fais une pause
je range la vaisselle
je sors la récupération
j’en profite pour prendre une marche
il n'y a pas grande chose pour
s’occuper dans Lac-Saint-Charles
des bruits de ski-doo
des pick-up
un bureau de poste
une quincaillerie
trois pizzerias
deux épiceries
quatre dépanneurs
un pour la bière
un pour le gaz
et deux autres de rechange
même le soleil n’est pas sorti
aujourd’hui
je décide de marcher jusqu’à la
bibliothèque municipale
je croise des patios en
construction
je croise des entrées de garage
vides.
je croise des enfants qui reviennent
de l’école
je suis à contre-courant des enfants
je ne leur demande pas le chemin de
la bibliothèque
je marche encore
je me trompe de rue
et me retrouve dans un quartier
résidentiel
à Lac-Saint-Charles aussi
on joue au hockey dans la rue
à Lac-Saint-Charles aussi
on fait ses stops à
l’américaine
je finis par trouver la bibliothèque
elle est installée entre deux
terrains de soccer
elle ressemble à une école
secondaire
d’ailleurs elle porte le même nom
que mon école secondaire
la bibliothèque municipale n’est pas
une école
mais c’est aussi le salon de quilles
de la ville
j’aimerais le dire à quelqu’un
mais mon cellulaire n’a plus de
réception
de ma place
qui est aussi une table feng shui
je peux entendre quand une
boule
revient vers son joueur
de ma place
je peux entendre un enfant qui tape
sur un jeu de construction
je peux entendre un enfant enfoncer
un clou en plastique avec un marteau en bois
il n’y a pas les livres de
Jean-Philippe Chabot sur les rayons mais il y a
L’empereur en culotte courte de
Sébastien Chabot
je ne sais pas pourquoi mais je
trouve cela conceptuel
de ma place en faux bois
je peux voir des spécialistes à LCN
qui expliquent
pourquoi la CAQ remonte dans les
sondages
ils disent que la CAQ a réussi à
aller chercher le vote des francophones
je dis à voix basse
je me demande ce que Chabot
en penserait
je ne pense pas à un Chabot en
particulier au moment où je dis ça
je quitte la bibliothèque avoir lu
un livre
je traverse la rue
qui s’appelle aussi Lac-Saint-Charles
de l’autre côté
il y a un dépanneur spécialisé en
bière
dans le dépanneur
il y a des bières en spécial
et de la construction
il y a un homme sur un escabeau qui
installe un fil dans le plafond
un autre qui perce un comptoir avec
une perceuse
et encore un autre qui tape sur des
vrais clous avec un vrai marteau
presque toutes les bières en spécial
viennent des Cantons-de-l’Est
soudainement je ne me sens pas à ma
place dans le dépanneur
je me dis que je ne suis pas assez
manuel pour habiter Lac-Saint-Charles
je paye ma bière
et sors du dépanneur
avant qu’on me demande une preuve de
résidence
avant qu’on me demande de construire
quelque chose
je refais ma route à l’envers
je croise d’autres enfants
l’un des enfants à un dossard orange
par-dessus son manteau
un autre tient une boîte à lunch en
plastique gris
je me dis que je connais deux poètes
qui viennent de Lac-Saint-Charles
je me dis que les deux écrivent des
poèmes comme on met à terre des immeubles
c’est peut-être un hasard
ou peut-être pas
je rentre chez ma blonde en évitant les
champs de construction
je rentre chez ma blonde et je tente
d’éviter les rues qui sont plus silencieuses que la bibliothèque
#napomo #monapo
L'écriture
d'un journal de fiction ( ou trancher la part de la réalité et de la fiction)
Vivre sa solitude par l'écriture
Travailler à partir d'une maladie peu documenter (
Représenter des angoisses et troubles émotionnels par le dessin, alors que ce sont des événements qui ne se voient pas
Le besoin de refuge chez les personnages
Je vais formuler sous forme de questions plus précises et plus proche de notre sujet, mais pour l'instant ce sont les grandes lignes.
Vivre sa solitude par l'écriture
Travailler à partir d'une maladie peu documenter (
Représenter des angoisses et troubles émotionnels par le dessin, alors que ce sont des événements qui ne se voient pas
Le besoin de refuge chez les personnages
Je vais formuler sous forme de questions plus précises et plus proche de notre sujet, mais pour l'instant ce sont les grandes lignes.
poème
no 9
-
on n’a pas besoin d’inspiration
quand on écrit notre journal intime
-
je fais un chocolat chaud à ma
blonde
je le mets dans une tasse thermos
pour qu’elle puisse l’emporter pendant sa marche
je lui dis que je lui ai fait un
chocolat chaud
je lui dis la différence entre
emporter
et apporter
elle ne me comprend pas
elle me dit qu’elle ne boit pas
quand elle marche
je lui réponds qu’elle conduit
depuis trop longtemps et que les thermos ont été faits pour les gens qui
marchent
elle ne trouve pas ma blague drôle
je vais surement en réentendre parler quand elle va la relire
en attendant elle est partie prendre
sa marche
en attendant le chocolat chaud
refroidit sur la table du salon
c’est une tasse du marathon
d’écriture
c’est une tasse qui venait avec un
t-shirt
elle a eu la tasse et le t-shirt en
s’impliquant durant le marathon
moi aussi je me suis impliqué
mais je n’ai eu ni tasse
ni t-shirt
je me dis que c’est dommage car il
est beau le t-shirt
je me dis que c’est dommage parce
que je n’ai plus de tasse pour boire mon café en marchant
je me dis que peut-être qu’en
l’écrivant dans mon poème ça va y changer quelque chose
j’aime ça moi boire quand je
marche
j’aime ça moi quand mon café reste
chaud
j’aime ça moi prendre ma revanche
dans la fiction
mon premier prof de création disait
toujours qu’il fallait départager la fiction de la réalité
mon premier prof de création a écrit
son vrai nom dans le titre d’un de ses romans
mon premier prof de création disait
toujours faite ce je dis pas ce que je fais
on m’a dit ce matin que j’écrivais
de plus en plus comme lui
je ne sais pas si c’est une bonne ou
une mauvaise chose
j’ai jamais été bon avec les
consignes
j’ai jamais été bon avec la réalité
je me demande si c'est ça la véritable
fissure de la fiction
je me demande si je suis encore
capable de faire la différence entre la fiction que j’étudie et ma
réalité
je me demande si je sais encore
faire la différence entre la réalité et la fiction
je dis toujours : ah tu sais c’est
de la fiction quand on m’accuse de mentir dans mes poèmes
en réalité je mens tout le temps à
propos de ma fiction
ce n’est pas vrai
que je connais la différence entre
apporter et emporter
en réalité c’est ma blonde qui me
l’a expliqué
c’est juste moi ou il commence à
faire chaud ici
vous trouvez pas qu’il commence à
faire chaud
on devrait au moins enlever quelques
couches
il y a l’auteur
il y a le narrateur
il y a le personnage
et il y a moi qui a chaud
on devrait au moins ouvrir quelques
fenêtres
bonjour mon nom est Patrick
Nicol
ce n’est pas vrai mais ça sonne
mieux
je ris de ma blague tout seul
j’ai hâte de la mettre en ligne pour
connaitre la réaction des gens
ce n’est pas vrai mais ça sonne mieux
je ris de ma blague tout seul
j’ai hâte de la mettre en ligne pour connaitre la
réaction des gens
fais un 😂 si tu la trouves drôle
fais un ❤️ si tu veux que j'en fasse d'autres
fais un 😯 si tu voyais venir le punch-line
fais un 😡 si tu ne comprends pas la référence
fais un 😢 si tu veux que je t’explique la référence
fais un 👍 si tu veux qu’on retourne dans le poème
ne fais
rien si tu ne veux pas devenir un personnage de fiction
la tasse de chocolat chaud n’est
plus sur la table du salon
la tasse de chocolat chaud a été bue
depuis longtemps
ça n’a pas encore d’importance
mais plus tard je devrai arrêter
d’écrire pour aller faire la vaisselle
mon premier prof de création disait
que les idées de ses romans lui venaient en faisant la vaisselle
c’est peut-être parce que je n’ai
pas de lave-vaisselle que je commence à lui ressembler
je n’écris pas de roman
je n’écris pas de fiction
j’écris mon journal intime
mon journal intime c’est aussi
internet
j’écris chacune de mes journées sur
internet et ça prend la forme d’un poème
je vis chacune de mes journées comme
si c’était la réalité
et si elles finissent toutes par se
ressembler
c’est parce que je n’ai pas le
talent qu’il faut
pour rendre la fiction de mes
journées intéressante
(Un poème par jour durant tout le
mois d’avril; qu’on n’a pas toujours le temps de lire, mais je tente de le
faire plus possible pour tout le monde et d’y faire référence dans les
miens)
Poème no 10
-
je n'ai pas sommeil
mais j'ai presque tout le reste
je n’ai pas envie de rentrer chez-moi
Poème no 10
-
je n'ai pas sommeil
mais j'ai presque tout le reste
poème no 11
-
poésie factuelle
_
«On essaie de trouver pourquoi on a donné ce titre
je suis parti plus assuré dans cette histoire
je travaille face à ce que je vois
ça peut paraître un lieu commun
vide ou sans consistance
on est dans un certain type de conflictualité
en gros il ne s’était rien passé
la politique c’est aussi un art de l’attaque de la défense
si vous donnez pas d’exemples
on vous perd
un ça ne marche pas
deux c’est une bonne nouvelle que ça ne marche pas
le milieu théâtral est plus raffiné
la politique est un mot de mésentente
au théâtre il y a toujours ce doute
il y avait une possibilité d’autre chose
il était de quel côté Genet
après je ne pense pas
qu’un artiste doive justifier son travail
j’aimerais que le monde reste le même monde
pour continuer d’être contre lui. »
#colloque
poème no 12
-
Chambre 1012
-
ce soir je dors à l’hôtel
j’aime ça dormir à l’hôtel
ça me fait sentir comme dans un vieux james bond
pas les nouveaux avec daniel craig
les vieux james bond dans lesquels le personnage mangeait encore du béluga caviar
et buvait des vesper au shaker pas à la cuillère
je suis un agent secret de la vieille école
je ne suis pas l’agent secret préféré de grands mondes
c’est parce que
j’ai des gouts de luxe quand je suis à l’hôtel
j’utilise deux serviettes de douche
je change de marque de shampoing
je ne refais pas mon lit
mon nouveau colloc est français
j’ai avertie ma blonde que je risque de revenir avec son accent
je ne parle qu’une seule langue, mais je peux en imiter les accents
on se les cailles
ça chlingue
on va guincher
je suis le genre d’agent qui se fond dans la masse
je joue au pool
je commande du vin trop cher
je vais à la piscine de l’hôtel
je n’ai pas de maillot de bain
c’est un short de gymnastique
personne ne fait la différence
personne ne remarque que je ne suis pas dans mon élément
personne ne remarque que je ne sais pas vraiment nager
on parle de sémiotique
on parle de Kristeva dans l’eau chaude
je ne sais pas si c’est l’expression dont on parle ou de la piscine
tout le monde va dormir
mais moi j’ai le gout d’une dernière bière
je rentre dans ma chambre sur la pointe des pieds
mon nouveau coloc dort déjà
je lui vol un livre avant de ressortir
je suis un espion qui agit dans le silence de la nuit
comon gang il est tôt
comon gang il est même pas 3 heures
dans le hall
je croise Jean-Philippe Baril Guérard
il me reconnait
il me salut
je me dis fuck ma couverture est brûlée
je me dis fuck on va me descendre c’est sur
je m’enfuis par la petite porte de l’entrée
celle qui mène à une rue qui est aussi une ruelle
je vais faire le guet au bar
je me fais conseiller ma bière
je me fais verser ma bière
je regarde la couverture
du livre que j’ai volé
c’est écrit jérôme baril dimanche
je me demande ce que ça veut dire
peut-être que c’est ma nouvelle cible
peut-être que c’est un avertissement
je tape jerome baril dans google
c’est écrit qu’il cherche un emploi
c’est écrit qu’on peut avoir des références à baril.jerome@hotmail.com
ça me semble être un piège
ça me semble être une tactique de tueur à gages
je commence à stresser pour mon identité secrète
je commence à stresser pour ma vie
je commence à suer dans ma chemise
je sue ma bière par tous les pores de ma peau
je sue sur mon tabouret
je sue sur le comptoir du bar
je sue dans mon verre
je me dis que je n’aurais pas dû prendre une stout
je me dis que j’aurais dû commander un martini
un martini aurait été plus élégant
un martini je l'aurais peut-être terminé
la fille à ma droite commande un shooter de scotch
la fille à ma droite commande aussi une bière noire
la fille à ma droite demande qu’on verse le scotch dans sa bière noire
le gars qui l’accompagne parle de la fois où il s’est battu dans un bar
le gars parle de la fois où il s’est fait barrer d’un bar
les deux sortent en laissant leurs verres sur le comptoir
je me demande si scotch et bière noire est un mélange hautement volatile
je ne me souviens plus de mes cours de sciences
je me demande combien j’ai de temps pour quitter le bar avant que tout explose
je ne me souviens plus de mon temps au 100 mètres
j’ai la tête qui tourne
je ne sais pas ce que l’on a mis dans mon verre que je ne finirai pas
je titube jusqu’à ma chambre d’hôtel
je titube pour être une cible plus difficile à tuer par balle
je parviens à atteindre ma chambre
je réussis à survivre jusqu’à mon lit
et je branche le détonateur de mon réveil
si je me lève tôt demain
je pourrai peut-être sauver une partie du monde avant que quelqu’un s'en rend compte
-
Poème no 13.
-
les ennemis de James Bond mangent épicé et ont la même couleur de yeux que moi
les ennemis de James Bond mangent épicé et ont la même couleur de yeux que moi
je regarde mon cellulaire une dernière fois avant de me coucher
sur mon cellulaire ça parle d'un bombardement en syrie
je n'ai pas les détails mais on dirait que les méchants sont entrain de gagner
ce n’était pas prévu dans le scripte
ce n’était pas prévu dans mon poème
je me dis que finalement il est peut-être trop tard pour essayer de me réveiller tôt
que je serais mieux de me réveiller tout de suite pour écrire un autre poème
je me dis que je n’en suis pas capable
que je remettrai ça à demain
que je laisserai passer au moins deux trois jours
je me dis que les missions secrètes sont beaucoup plus vraies et sérieuses quand on les lit dans les journaux
poème no 14
-
arrêtez de me demander comment je vais, je n’ai pas le temps de vous répondre
-
l’hiver n’en fini plus
tout le monde en fait un poème à sa façon
moi je prends un bain
j’ai coupé sur le chauffage depuis deux semaines
je peux me permettre un bain
pendant que l’eau refroidit
je pense à un poème de maude veilleux
je pense à toutes les personnes qui tentent d’écrire des poèmes comme maude veilleux
je pense à moi qui tentais d’écrire comme elle durant ma période la plus creuse
je pense à la poésie sur les réseaux sociaux
je pense aux réseaux sociaux en général
je pense à vraiment à trop choses quand je suis dans le bain
pour m’occuper l’esprit je lis deux livres
un recueil de poèmes et une bande dessinée
les deux sont pour deux travails différents
les deux sont bons
mais la bande-dessinée est encore meilleure
je suis encore dans l’histoire
je suis encore dans mon bain
je n’ai pas envie de sortir de l’eau tiède
j’aimerais me laisser dériver encore longtemps
j’aimerais faire couler l’eau de mon bain jusqu’à mon lit
les draps sont froids mais dépourvus de sommeil
je regarde la fin d’un film
je regarde le début d’un autre
je vais dans la cuisine me faire des ramens avec de l’eau chaude
dehors les gyrophares d’une ambulance éclairent le boulevard
j’espère que ce n’est rien de grave
j’espère que cette personne que je ne connais pas va s’en sortir
hier j’ai lu deux essais pour un autre travail
les deux essais parlaient du concept du care
je pense que je travaille trop
je pense que lis trop
je pense que je suis trop influençable par ce qui m’entour
j’aimerais écrire un long poème qui ne serait que des citations de tous les textes que je lis
j’aimerais écrire un long poème avec toutes les vidéos que je regarde
j’aimerais écrire un long poème sur mes journées mais je pense que ça finirait par devenir plate
surtout si on sait déjà comment mes journées se terminent
un poème sur moi qui a faim
un poème sur moi qui veut boire de la bière
un poème sur moi qui attend que l’hiver finisse
un poème sur moi qui s’inquiète pour toutes les ambulances que je croise
l’angoisse est une habitude qui vient avec de la pratique
à force d’entrainement on peut en porter de plus en plus lourdes
je pourrais aller aux olympiques grâce à mes angoisses
je pourrais mettre ça dans mon c.v
je pourrais postuler pour des bourses
ne me demandez pas de participer
je vais dire oui
ne me demander pas de dormir 8h par nuit
je n’y arriverai pas
si je me couche tout de suite
je snoozerai moins demain
si je me couche tout de suite
je pourrai travailler plus longtemps demain
si je rajoute une couverture et que je coupe le chauffage
je pourrai peut-être prendre un autre bain
« l’hiver s’éternise
et, je me bats encore
pour pas lâcher
un toaster dans mon bain »
ce n’est pas de moi
c’est maude veilleux
ce n’est pas de l’angoisse
c’est un souci du détail
ce n’est pas comment je me sens
c’est un poème
(Un poème par jour tout le mois d’avril pour le mois national de la poésie. J’aurais dû me mettre aux mandalas)
poème no 15
-
haïku fiscal
-
entre l’enveloppe et le dépot
je murmure le montant de mon chèque
pour ne pas l’oublier
-
haïku fiscal
-
entre l’enveloppe et le dépot
je murmure le montant de mon chèque
pour ne pas l’oublier
poème
no 16
-
la neige d'avril n'est qu'une autre sorte de pelage
-
-
je n’ai pas envie de rentrer chez-moi
je veux marcher dans les rues
jusqu’à tomber de fatigue et de froid
j’ai mis mon manteau de cuir
aujourd’hui
j’ai mis mon manteau de cuir pour
aller travailler à la bibliothèque
j’ai mis mon manteau de cuir pour
faire de l’attitude
aux oiseaux
aux bancs de neige
aux poteaux de téléphone
je suis une grande tristesse mal
habillée pour la saison
je marche de chez moi à la
bibliothèque
de la bibliothèque à la caisse
de la caisse à je ne sais pas encore
trop où
je connais toutes les rues
par leur nom
mais personne ne me les demande
jamais
ça doit être le manteau de cuir
ça doit être mon attitude de chat
sauvage
je marche les poings fermés
pour qu’on ne remarque pas que j’ai
encore oublié de me couper les ongles
je me rentre les doigts mal
dégriffés
dans la paume des mains
ça me réchauffe en quelque sorte
entre le moment où je mets mes
chèques de paye dans l’enveloppe
et j’entre l’enveloppe dans le
guichet
je murmure trois fois le montant
je murmure trois fois le montant
pour ne pas l’oublier
je murmure trois fois le montant
pour que le guichet me donne la réplique
on m’a toujours dit de faire les
choses trois fois
ce n’est pas un tic d’écriture
c’est une question de narration
c’est une question de rythme
je ne me suis jamais demandé
si ça changait vraiment quelque
chose
mais je le fais quand même
je sors de la caisse et
entre de plein fouet
dans le frette du printemps
ça me dresse le poil des pattes
ça cabre le cuir de mon manteau
je rentre chez moi
même si je sais que mon mémoire va
me culpabiliser
mon mémoire sait faire le bon regard
pour me virer l’estomac à l’envers
aussitôt arrivé je lui dis:
je vais aller prendre une marche
j’ai besoin de prendre un peu d’air
je ne rentrerai pas trop tard
il ne me croit pas
il n’est pas dupe
il me connait
il barrera la porte quand je
sortirai
en attendant je cherche mes petits
gants
je cherche mes petits gants pour me
cacher les ongles que je ne ronge pas
je cherche tout le temps toutes mes
affaires
où est mon portefeuille
où sont mes clés
où est ma tuque
mon mémoire me regarde et ne m’aide
pas
il me connait
j’abandonne mes recherches
je n’ai pas beaucoup de patience
quand il s’agit de chercher mes choses
j’ai du les oublier quelque part
j’ai du les avoir mis dans un autre
manteau
j’ai du m’éparpiller sur plusieurs
vies
attention je ne crois pas en
la réincarnation
sauf quand il s’agit des chats
il faut savoir choisir ses batailles
j’ai décidé d’être dans le camp de
ceux et celles qui ne veulent pas prendre de décision
je sors de chez-moi dans un
claquement de cuir
ce n’est pas parce que je suis fâché
c’est parce que ma porte ferme mal
je descends les marches de mon bloc
avec l’attitude d’un homme qui en
veut contre les cadres de porte
parlez-moi pas je suis dans ma tête
et ne veux pas en sortir
je marche d’une rue à l’autre
je marche vers le fleuve
je marche vers la mer
je regarde le soleil se tremper les
pieds dans l’eau dégelée du printemps
c’est beau
c’est paisible
je me sens comme dans un lucky luke
je me sens comme à la fin d’un lucky
luke quand toutes les balles ont été tirées
quand il ne reste plus qu’à ramasser
tous les petits bouts d’ombres qui trainent par terre
attention ne marchez pas
dessus
je vais les prendre-moi si personne
n’en veut
aidez-moi s’il vous plait
il y en a trop pour mes mains
s’il vous plait
mon manteau n’a pas de poche
s’il vous plait
je ne pourrai pas tous les
accueillir chez moi
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